Lundi un démenti du parquet d’Oran, mardi une mise au point du ministre de la Justice.
L’affaire relative aux déboires judiciaires présumés du fils du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, prend une tournure politique avec une attaque en règle du garde des Sceaux contre le quotidien El Watan, accusé de vouloir porter atteinte à la « réputation » du ministre et de « certains cadres de l’Etat »
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Dans une déclaration faite à la presse mardi 20 juillet à l’issue d’une séance plénière du Conseil de la nation, à Alger, Tayeb Belaïz, 62 ans, considère que l’information se rapportant au contrôle judiciaire dont ferait l’objet son fils pour trafic de drogue et blanchiment d’argent relève d’un règlement politique qui le viserait personnellement, sa famille ainsi que certains cadres de l’Etat dont le ministre se garde de révéler l’identité.
Le ministre de la Justice a expliqué aux journalistes que l’accusation contre son fils portait « atteinte à la réputation de la famille Belaïz » et avait pour objectif de « compromettre la réputation du père. »
Déranger des intérêts, dit-il
Tayeb Belaiz, ancien magistrat à Oran, Sidi Belabes et à la Cour Suprême avant d’être nommé ministre de la Justice en 2003, estime que ces révélations concernant son fils relève d’un esprit de « vengeance ».
Il affirme que lorsqu’il a accepté d’assumer la responsabilité du ministère de la Justice, il savait qu’il allait « déranger certaines personnes détentrices de fonds et certains barons qui ne soupçonnaient pas qu’ils allaient être un jour estés en Justice ou incarcérés ». «Lorsque j’ai livré cette bataille, ajoute-t-il, je savais pertinemment que ces personnes n’allaient pas m’accueillir avec des fleurs, c’est pourquoi je me suis préparé à ce genre de campagnes. »
Un homonyme, dit le procureur général d’Oran
Lundi 19 juillet, le procureur général prés la Cour d’Oran adressait un communiqué à la presse dans lequel il démentait que le fils du ministre de la Justice soit impliqué dans une affaire de trafic de drogue.
Le communiqué du parquet visait nommément le journal El Watan qui révélait le matin même que le fils du ministre de la Justice a été placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d’une enquête liée à un trafic de drogue et au blanchiment d’agent.
La veille, DNA révélait de son côté que le rejeton de Tayeb Belaïz était visé par une enquête sur un trafic de drogue dans la région d’Alger. Plutôt dans la matinée du lundi 19 juillet, le ministre de la Justice, présent au Conseil de la Nation, démentait les informations en indiquant que la personne en question serait en fait un « homonyme ».
Vingt quatre heures après cette réaction à chaud, le ministre de la Justice décide de revenir sur cette affaire en lui donnant une tournure d’un règlement de compte politique dont lui et certains « cadres de l’Etat » seraient les cibles
Qui sont donc ces « certain cadres de l’Etat » ?
La réaction du ministre de la Justice, considéré comme un proche du cercle du président Bouteflika, aussi légitime qu’elle puise être, appelle quelques interrogations. En décidant de faire sortir cette affaire du cadre strictement judiciaire, le ministre de la justice lui donne une portée hautement politique.
C’est que Tayeb Belaiz affirme clairement que les accusations portées contre son fils ne visent pas seulement sa personne en sa qualité de ministre du gouvernement, mais « certains cadres de l’Etat ».
Qui sont ces cadres dont parle le garde des Sceaux ? Quelles sont leurs responsabilités ? A quel niveau se situent-elles ? Et pourquoi seraient-ils visés dans cette affaire ? A ce niveau de responsabilité, au vu de la violente charge du ministre contre les journalistes coupables à ses yeux d’avoir révélé cette affaire, le moins que l’on puisse attendre du garde des Sceaux est qu’il livre le fond de sa pensée, qu’il indique clairement à l’opinion publique qui sont « ces cadres de l’Etat » qui paieraient le prix de ces révélations. A ce niveau de responsabilité, on ne peut pas se suffire d’accusations évasives, d’insinuations trop faciles, d’allusions fumeuses.
Qui sont ces barrons de la drogue ?
Pis, le ministre de la Justice évoque des « personnes détentrices de fonds » ainsi que des « barrons » dont les intérêts seraient dérangés par son action au sein du département de la Justice.
Ah la belle affaire ! Décodé, son message est très clair : en révélant une affaire de contrôle judiciaire lié à une affaire de drogue et de blanchiment d’argent dont ferait l’objet son fils, les journalistes font le jeu des barrons de la drogue.
Grave. Plus grave encore, le ministre insinue qu’il y aurait une collusion d’intérêts, une jonction d’intérêts, entre ces journalistes et ces « barrons » de la drogue et ces «détenteurs » de fonds. Mais qui sont donc ces «barrons » et ces « détenteurs de fonds » dont il semble visiblement connaitre l’identité puisqu’il en parle ?
Verbatim : La dépêche de l’APS, l’agence officielle
Le ministre de la Justice, garde des sceaux, M. Tayeb Belaiz a souligné mardi à Alger, que l’article publié par le quotidien « El Watan » concernant l’implication de son fils dans une affaire de trafic de drogue et de blanchiment d’argent avait pour objectif de « compromettre ma réputation et porter atteinte à celle de certains cadres de l’Etat ».
Dans une déclaration à la presse à l’issue d’une séance plénière du Conseil de la Nation consacrée à l’examen du projet du code maritime, M. Belaiz a indiqué que l’accusation contre son fils portait « atteinte à la réputation de la famille Belaiz » et avait pour objectif de « compromettre la réputation du père ».
Cette information « tendancieuse » vise à « ternir la réputation de certains cadres de l’Etat », a ajouté M. Belaiz. M. Belaiz a affirmé que lorsqu’il avait accepté d’assumer cette responsabilité, il savait qu’il allait « déranger certaines personnes détentrices de fonds et certains barons qui ne soupçonnaient pas qu’ils allaient être un jour estés en Justice ou incarcérés ».
« Lorsque j’ai livré cette bataille, je savais pertinemment que ces personnes n’allaient pas m’accueillir avec des fleurs, c’est pourquoi je me suis préparé à ce genre de campagnes », a-t-il ajouté. Plus explicite, le ministre a qualifié d’ « inacceptables les accusations portées contre mon fils, des accusations dénuées de tout fondement et n’ayant même pas été vérifiées ». Le mis en cause « n’a aucun lien de parenté avec ma famille », a-t-il ajouté.
Beaucoup de familles sur le territoire national portent le nom de « Belaiz », on en trouve à Meghnia, à Sétif et dans certaines régions frontalières avec le Maroc, a souligné le ministre précisant que toute personne portant le nom de Belaiz n’est pas forcément le fils du ministre Belaiz. M. Belaiz a indiqué qu’il ne pouvait pas en tant que personnalité publique empêcher que l’on porte atteinte à son statut de ministre, estimant « inacceptable que l’on tente de toucher à la vie privée de Tayeb Belaiz et d’accuser son fils d’implication dans une affaire de trafic de drogue et de blanchiment d’argent ».
A ce propos, le ministre a mis l’accent sur l’importance de mener une enquête en bonne et due forme, de s’assurer des informations et de ne pas dévier des objectifs « nobles » dans le seul objectif de se venger. Il a appelé, dans ce contexte, les parties ayant propagé l’information à « présenter des excuses ».