Dans les villages de Kabylie, la veille d’Aïd est marquée par le jour de « Taswiqt », un événement aussi important que cette fête religieuse, dédié exclusivement aux garçons.
L’importance de Taswiqt, un rite initiatique qui remonte aux temps anciens, est du au fait que ce rite permet à l’enfant mâle de la famille d’accéder au cercle des adulte et de devenir un « homme ».
Pour cela, certains préparatifs sont nécessaires : il s’agit notamment de la traditionnelle coupe de cheveux pour l’enfant qui ira le lendemain au marché, pour acheter une tête de veau qui symbolise la « force » et la « robustesse », qualités qui définissent l’homme, et prédestine l’enfant à son rôle de maître de maison, estime-t-on.
Le jour de marché (Tiswiqt), le garçon est accompagné par un homme de la famille, généralement son père ou son grand père paternel, pour aller acheter la fameuse tête de veau.
Le rôle de l’enfant dans cette tradition reste entièrement symbolique, puisque étant encore très jeune, c’est son accompagnateur qui choisit et achète la tête de veau, tout en donnant des conseils précieux à l’enfant pour lui apprendre à choisir le meilleur produit et à négocier le prix.
« Taswiqt est aujourd’hui synonyme de jours de marché, mais elle a perdu son côté rituel et initiatique « , témoigne Saïd, un sexagénaire qui se rappelle avec nostalgie son jour de Taswiqt où, âgé de quatre ans à peine, et accompagné de son grand père paternel, il est allé au marché d’Ain El Hammam pour acheter une tête de veau. »C’est un événement marquant qu’on garde en souvenir », ajoute-t-il.
De nos jours, plusieurs familles continuent à fêter Taswiqt, mais avec une note de modernité. L’enfant ne va plus au marché pour acheter une tête de veau, mais il descend en ville, généralement à Tizi-Ouzou, pour acheter les vêtements de l’Aïd et des jouets.
Le cachet exclusivement masculin qui caractérisait cet événement, n’est plus de mise puisque les fillettes sont aussi de la partie pour faire le magasin de vêtements et de jouets, et choisir leur tenue de l’Aïd.
Dans certains villages du Djurdjura, tel qu’Ath Ouabane et Ath Lkaid, où le mouvement associatif culturel est très actif, des familles jalouses de l’héritage de leurs aïeux, continuent toutefois à célébrer « Taswiqt » dans la pure tradition, pour préserver cette pratique ancestrale et la transmettre aux nouvelles générations futures.