Les bureaux de change ne vont pas régler le marché parallèle, ce tant que le taux de rémunération demeure attractif sur le marché parallèle de la devise, estime l’économiste Mohamed Achir, enseignant à l’université de Tizi-Ouzou.
«Les bureaux de change peuvent capter quelques transactions mais ne peuvent pas régler structurellement le problème du marché parallèle de change», souligne notre interlocuteur qui explique le pourquoi. Selon lui, d’abord il y a déjà environ 3 milliards d’euros d’envois de fonds des émigrés algériens en moyenne annuelle selon les estimations de la Banque mondiale (en Algérie on parle officiellement de 1,5 milliard d’euros), cette masse est captée directement par le marché parallèle.
La rémunération qu’offre le marché parallèle est infiniment plus importante et donc attractive que celle offerte par le taux de change officiel. Et éventuellement par les potentiels bureaux de change. «Ceci fait que les acteurs économiques ou les particuliers vont recourir toujours au marché spéculateur dans la mesure où il crée de la valeur pour les détenteurs de la monnaie étrangère», souligne M. Achir.
«Tant que le marché parallèle crée plus de valeur en devises et rémunère plus que le marché officiel, il faudra toujours s’attendre à l’existence des marchés parallèles», observe l’économiste qui appelle à une «réforme structurelle» du système bancaire algérien de telle façon à «permettre des transactions bancarisées des envois de fonds des émigrés algériens», en ouvrant des agences des banques algériennes à l’étranger. Aussi, recommande-t-il de réfléchir à un système incitatif en vue de capter cette importante manne financière que représentent les envois des émigrés.

A terme, Mohamed Achir recommande de mettre en place un marché de change de la devise flexible, pour éviter ce parallèle entre la rémunération du marché parallèle de change fixé par la Banque d’Algérie.
Pour rappel, la Banque d’Algérie (BA) est en train de travailler pour changer les règles de fonctionnement des bureaux de change. L’annonce en a été faite, avant-hier sur les ondes de la radio nationale, par le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa. Il a ajouté que dès que le nouveau système sera mis en place, la BA en informera les acteurs concernés. Selon le ministre, des enseignements doivent être tirés du fait que les bureaux de change n’ont pas fonctionné. La législation existe depuis une vingtaine d’années, mais sans aucune traduction sur le terrain, en témoigne la prolifération du marché parallèle de la devise en Algérie qui encourage la fuite des capitaux et l’évasion fiscale.
Il y a lieu de rappeler que l’institution des bureaux de change existe depuis la promulgation de l’instruction n°08-96 du 18 décembre 1996 fixant les conditions de création et d’agrément des bureaux de change. Une instruction qui détermine les conditions de création, d’agrément, d’organisation et de fonctionnement des bureaux de change.
Par «bureau de change», la loi désigne toute «institution ou agent de change». Selon son premier responsable, la Banque d’Algérie a accordé 40 autorisations pour la création de bureaux de change depuis l’année 1997, mais que certaines autorisations avaient entre-temps été retirées suite à des infractions de change. Selon l’ancien ministre des Finances, Karim Djoudi, le peu d’intérêt que manifestent les citoyens pour les bureaux de change en Algérie s’explique par la faiblesse de rémunération sur la fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur.
Ce que prévoit la loi
Les bureaux de change sont autorisés à n’effectuer que des opérations d’achat et de vente, contre monnaie nationale, des billets de banque et des chèques de voyage libellés en monnaies étrangères librement convertibles. Aussi, la création d’un bureau de change est subordonnée à l’obtention de l’agrément auprès de la Banque d’Algérie. La législation prévoit que toute banque ou tout établissement financier est autorisé, en qualité d’intermédiaire agréé, à créer des bureaux de change.
En outre, les bureaux de change sont tenus de céder au non-résident les devises achetés sur le marché dans la limite du montant qu’il a importé et cédé. «Toute vente de devises à un non-résident doit être justifiée par une attestation de change prouvant que ce dernier a bien cédé, au cours de son séjour en Algérie, des devises à un bureau de change ou à une banque ou à un établissement financier, intermédiaire agréé», note la législation.
Les bureaux de change peuvent vendre, à tout moment, les devises qu’ils détiennent aux banques et établissements financiers, intermédiaires agréés ou à la Banque d’Algérie sur la base des derniers cours de change pratiqués par ces derniers. Les bureaux de change peuvent déposer dans des comptes devises à vue ouverts sur les livres des banques, intermédiaires agréés, les devises achetées avant leur vente sur le marché.
Toute opération d’achat ou de vente de devises effectuée par un bureau de change doit donner lieu à l’établissement, selon le cas, d’une attestation d’achat ou de vente de devises.
Y. D.