Tant attendu après six ans de gel Crédit à la consommation : les Algériens loin d’être emballés

Tant attendu après six ans de gel Crédit à la consommation : les Algériens loin d’être emballés
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Un début timide pour cette opération tant attendue avec une liste restreinte des produits proposés et le retard des banques publiques à entrer dans la course, en plus d’un taux d’intérêt élevé (9%).Les Algériens ne se bousculent pas au portillon depuis qu’ils ont renoué avec le crédit à la consommation, dit aussi “crédit de bien-être”, relancé depuis février dernier. C’est que les conditions avec lesquelles ce crédit est remis au goût du jour ne semblent pas emballer les Algériens qui, pourtant, l’ont attendu avec une grande impatience. À la question de savoir s’il s’agit juste d’un démarrage laborieux le temps que la machine soit huilée pour évoluer et atteindre, enfin, sa vitesse de croisière, un expert de la finance se montre sceptique et explique : “Dans l’absolu, le crédit à la consommation est une bonne opportunité pour se sortir d’affaires quand on n’a pas de grands moyens, du moins du point de vue des citoyens. Mais dans son actuelle version, le crédit en question ne présente pas de réels atouts de séduction.” Et d’ajouter : “Une liste restreinte des produits proposés et le retard des banques publiques à entrer dans la course en plus d’un taux d’intérêt élevé (9%) sont autant de facteurs qui viennent ralentir le succès attendu surtout dans une situation économique plutôt difficile à tous les niveaux.”

À rappeler que ce crédit est dédié exclusivement aux produits fabriqués ou assemblés en Algérie et non conditionnés par un taux-plancher d’intégration. Il s’agit de gammes de produits relevant de sept filières industrielles locales à savoir ; des appareils électriques et électroménagers : téléviseurs, vidéos, son et mp3, appareils photo et caméscopes, chauffages, climatiseurs, réfrigérateurs, équipements de cuisine domestique, équipements de lavages domestique et petits électroménagers, des téléphones, des tablettes et des smartphones, des véhicules de tourisme, des motocycles de moteurs thermiques, des ordinateurs et autres équipements informatiques et accessoires, du tissu d’ameublement, tapisserie, moquette et literie, céramique et céramique sanitaire.

La réactivation du crédit à la consommation se veut, en somme, une manière de permettre au citoyen d’améliorer son quotidien sans retomber dans les erreurs du passé. Aussi et afin de s’assurer de la solvabilité du consommateur-emprunteur, une Centrale des risques des entreprises et ménages (Crem) a été mise en place par la Banque d’Algérie. Cet outil assure, selon ses initiateurs, une gestion interbancaire des risques de crédits en intégrant dans son système tous les prêts contractés et les données relatives à la clientèle, y compris les défauts de paiement.

Les revenus de l’emprunteur devront assurer le remboursement du crédit durant les délais fixés par le décret exécutif relatif au crédit à la consommation, dont la durée est supérieure à trois mois et n’excédant pas les soixante mois, soit cinq ans. Les conjoints peuvent cumuler leurs salaires et le prélèvement ne devrait pas excéder les 30%.

Accord tacite pour 9% de taux d’intérêt, en plus de la “mourabaha” pour la même marge

LG Algérie

À quelques exceptions, grâce à des conventions contractées entre la banque et des institutions ou des organismes, le taux d’intérêt, en général, varie entre 9 et 11%. Du côté de l’Abef, on nous certifie qu’il n’existe aucun accord particulier et que “chaque banque est libre de fixer son taux d’intérêt”.

On en déduit, alors, qu’il y a un accord tacite dicté par une tendance puisque toutes les banques parlent d’un taux d’intérêt de 9% en général. Cela comprend, également, les banques islamiques qui proposent, de leur point de vue, des crédits en adéquation avec la charia, mais aussi avec une marge identique, en l’occurrence 9%. “Il est question pour nous d’un taux effectif global qui comprend toutes les assurances (hormis celle relative à l’assurance tout risque)”, nous explique-t-on à la Banque Al-Baraka. Pour certaines banques, les frais de gestion du dossier et autres charges ne sont pas intégrés dans le taux d’intérêt de 9%, impliquant ainsi un montant beaucoup plus important.

Il est clair que chaque établissement financier y va, par conséquent, de sa propre méthode, et ce, au grand désarroi des citoyens qui ne s’expliquent pas que “le taux d’intérêt puisse être aussi élevé”. Ils sont pourtant très nombreux à vouloir recourir à cette solution, notamment les nouveaux locataires des cités AADL (anciens et futurs acquéreurs), ainsi que des autres formules, qu’il s’agisse du social locatif ou d’un meilleur standing. “Nous étions impatients de renouer avec le crédit à la consommation après six ans de gel.

Mais là, c’est une grande déception. 9% de taux d’intérêt ? Mais pour qui nous prend-on et comment l’État laisse faire ?”, nous ont déclaré de nombreux citoyens qui se sentent “éprouvés, encore une fois, dans leur quotidien”. Et de poursuivre : “Le crédit est censé nous soulager et non nous saigner à blanc. Certes, la banque doit gagner, nous le concevons parfaitement, mais pas autant, c’est carrément du vol autorisé.” Ils adressent, d’ailleurs, un appel en direction de l’association des consommateurs qui, à leur avis, aujourd’hui, fait seulement de la figuration.

La question de rentabilité des banques se pose dans ce cas-là, et dépend du volume avec pour avantage l’existence de la Centrale des risques. “Cela fait toute la différence avec ce qui existait avant que le processus ne soit interrompu en 2009, et devrait, sans aucun doute, booster le crédit à la consommation dans sa nouvelle version”, s’accordent à dire les banquiers qui se frottent déjà les mains, notamment pour les banques privées très rompues à ce genre d’activité.

Les banques privées en avance par rapport à leurs homologues publiques

Les banques publiques n’affichent aucunement leur engouement pour le crédit à la consommation sans pouvoir l’expliquer de manière objective. La BDL et la Cnep, pour ne citer que ces deux banques, nous ont déclaré à l’occasion : “Ce sera pour bientôt, nous nous y attelons et le taux d’intérêt sera de 9%”, sans avancer aucune date précise ni argumenter ce retard par rapport aux banques privées qui marquent déjà une longueur d’avance.

La française BNP-Paribas cartonne, dans ce cadre, talonnée par Société Générale qui enregistre, à son tour, des chiffres fort appréciables. “Depuis le lancement officiel arrêté au 1er février, nous avons enregistré 3 000 demandes qui se répartissent ainsi : 52% pour le véhicule et 48% pour le BBM (blanc, brun et mobilier)”, nous a indiqué un responsable de Société Générale qui précise que “1 000 simulations ont été enregistrées pour l’automobile, ce qui équivaut à 700 millions de dinars”. Société Générale a aussi l’avantage d’être opérationnelle aussi bien sur le segment auto que sur les autres produits, et compte, déjà, pas moins de vingt partenaires dont Condor, Géant, Enie, Brandt, Beko, LG, etc.

Pour ce qui est de BNP-Paribas avec laquelle il nous a été difficile de rentrer en contact, on nous affirme : “Les dossiers validés par le concessionnaire Renault sont acceptés de facto par la banque et tous deux sont liés par une convention.” C’est donc au niveau de Renault que l’opération prend effet et cela n’a pas manqué de constituer un regain d’activité pour le concessionnaire qui propose la Symbol (made in bladi).

C’est même le crédit auto qui rencontre un franc succès jusqu’à créer “une frustration” chez certaines banques non encore conventionnées avec Renault comme c’est le cas d’Al-Baraka, pour ne citer que celle-ci. “Nous avons enregistré 1 800 demandes en un mois. Seulement 10% ont connu une validation à cause de certaines contraintes que nous rencontrons auprès des agents agréés de la marque au losange.”

Il faut, visiblement, du temps pour que les choses se mettent en place et la tendance va s’inverser dans peu de temps.

Booster la production locale : “Nous sommes loin du compte”

Réintroduit par la LF 2016 après six ans de gel, le crédit à la consommation était vu comme un véritable levier à même de booster la production nationale. Les acteurs du marché sont loin d’être convaincus et dénoncent un certain amalgame. “Certains pseudo-fabricants rapportent du produit fini et le labellisent algérien pour le rendre éligible, et cela est bien connu de tous. Il faut reconnaître que cela est loin de rendre service à la production nationale”, ont dénoncé nos interlocuteurs plaidant pour l’instauration d’un véritable tissu industriel comme cela existait par le passé. “Donner à la production nationale un environnement favorable accompagné d’une remise à niveau de nos compétences. Alors, oser prétendre que le crédit à la consommation à lui seul peut booster l’économie nationale et la production locale est d’une crédulité à peine croyable.”

D’autres observateurs ont averti contre ce taux d’intérêt “élevé” qui, selon eux, “ne garantit aucunement le succès de l’opération. Seul le consommateur algérien qui va perdre encore une fois laissera … des plumes”. C’est à croire que le gouvernement, à travers cette actualisation du crédit à la consommation, n’a pas pris en compte la conjoncture économique actuelle qui n’épargne pas le citoyen et lui fait subir de plein fouet des augmentations en cascade ; eau, électricité, gaz, essence, augmentation des prix des denrées alimentaires, des fruits et légumes, et la liste est loin d’être exhaustive.

N. S.