Il y a quelque chose de malsain dans la politique d’attribution des visas de la part des autorités consulaires françaises en Algérie, quelque chose en contradiction avec les discours réconciliateurs…
La visite de Yamina Benguigui, ministre française déléguée en charge des Français de l’étranger et de la Francophonie, vient relancer les bonnes intentions de Paris sous la nouvelle présidence socialiste de François Hollande à l’égard d’Alger après des années de sarkozysme ayant tablé sur des relations d’affaires incompatibles avec les tensions politiques sur de nombreux dossiers qui éloignent les deux rives.
Toutefois, il n’est pas encore acquis que les vieux réflexes paternalistes de l’ex-métropole, ou visant des intérêts unilatéraux, soient totalement écartés. Ainsi, la redondante question de l’implantation de l’industrie automobile, la question des accords de 1968 sans cesse rognés par des amendements qui veulent en extirper la substantifique moelle et la gestion spéculative des visas sont autant de cas flagrants de mauvaise foi par rapport aux discours réconciliateurs pour la galerie.
Intéressons-nous par exemple au dossier des visas en cette période de forte demande de visas d’études pour la rentrée universitaire 2012-2013 : de nombreux candidats à une inscription dans un établissement de l’enseignement supérieur ont eu la désagréable surprise de voir leurs dossiers rejetés alors qu’ils pensaient avoir fourni assez de preuves de leurs capacités à poursuivre un cursus en France.
Tests de langue et résultats dans la formation de base en Algérie à l’appui, ces étudiants intéressés «par le rayonnement culturel et l’échange des expériences» reçoivent une gifle en accusant une mention de refus sans motif énoncé.
Un traitement opaque et arbitraire C’est le cas de la fille d’un collègue journaliste qui témoigne, un pincement au coeur : «Il y a quelque chose d’humiliant pour nous de voir qu’au moment où une ministre, d’origine algérienne par-dessus le marché, vient nous chanter les vertus d’une adhésion à la francophonie, des étudiants, nos enfants qui ont évolué dans un environnement linguistique plurilingue accordant une bonne place à la langue française, sont rejetés comme des malpropres par un service de traitement des visas qui ne donne aucune chance de recours sérieux.
Un traitement opaque et arbitraire qui ne correspond pas à l’idée que les candidats se font de la France, ni à ce que veulent nous faire croire les nôtres devenus ministres au pays de Jules Ferry».
Notre collègue n’est pas le seul à s’étonner du décalage entre le discours et la réalité. Rappelons-nous ces points de presse à répétition organisés par les services consulaires d’Alger vantant la politique d’ouverture et d’hospitalité de la France surtout en direction des universitaires candidats à un perfectionnement dans une université française. Rappelons-nous ces chiffres donnés comme preuve d’un taux croissant de visas délivrés.
Un petit flash-back conduit forcément les observateurs à la conclusion que les autorités françaises utilisent la question des visas comme une monnaie d’échange vis-à-vis d’un peuple ou vis-à-vis des catégories de demandeurs. Autrement, il est impossible de décrypter les codes incohérents de recevabilité des demandes. Or, jusqu’à présent le quitus pour s’en est allé visiter la France ou y étudier pendant des années, n’a jamais été présenté comme le gros lot d’une loterie à l’américaine – type «greencard».
Il s’agit encore de fournir un dossier comportant des éléments objectifs d’éligibilité. Pourquoi, le jury qui décide de l’avenir des jeunes gens ambitieux à huis clos n’apporte-t-il pas un peu d’humanité à ses décisions péremptoires d’accord ou de refus de visa ? Il faudra que la France corrige la procédure pour que son droit souverain à choisir ses invités ne devienne pas un droit à la violence administrative ou au chantage par le visa…
Nordine Mzalla