Les Français n’arrivent pas à se débarrasser de la mentalité de colonisateur
Boumediene, Mitterrand, Olof Palme et les révoltes arabes sont les sujets sur lesquels est revenu l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ahmed Taleb Ibrahimi, dans un entretien accordé à El Khabar.
L’ancien ministre des Affaires étrangères, Ahmed Taleb Ibrahimi, a accordé un entretien à El Khabar. Il commence par dire que Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, a souvent parlé de lui d’une manière drôle dans ses Mémoires qu’il a publiés récemment. Il a évoqué son refus de se rendre au bâtiment du ministère français des Affaires étrangères à Paris ou à l’ambassade de France à Alger. Il a notamment écrit que le président Mitterrand lui avait révélé que Taleb Ibrahimi «ne nous aime pas». Taleb Ibrahimi estime que les Français n’arrivent pas à se débarrasser de la mentalité de colonisateur. Il trouve également inconcevable qu’un responsable français refuse de serrer la main au ministre des Moudjahidine.
L’ancien ministre algérien des Affaires étrangères considère que l’Occident est fidèle à sa doctrine néocolonialiste qu’il appelle mondialisation ou Nouveau Moyen-Orient.
A propos des révoltes arabes, Taleb Ibrahimi estime qu’on assiste actuellement à des tentatives de les contenir par les Américains et par Israël. Le ministre est un fervent supporter du changement, mais il refuse que celui-ci soit récupéré par le néocolonialisme. «Quand je vois Bernard-Henri Lévy aux côtés des Libyens à Benghazi, je me demande à quoi cela rime», lâche-t-il. Il exprime son refus que le changement soit dicté de l’étranger. «Je considère que la souveraineté nationale est une notion sacrée», dit-il. Selon lui, c’est ce que ressentent les personnes qui ont vécu le colonialisme en ajoutant que le responsable algérien a toujours eu cette sensibilité sur cette question sachant qu’il a beaucoup souffert du colonialisme.
Dans l’entretien, le ministre aborde aussi la question de la repentance. «Durant les années 1970, nous n’avions pas l’idée de demander à la France de s’excuser pour ses crimes commis en Algérie. Nous préférions tourner cette page sans la déchirer. Parfois, je me dis que nous avons exagéré et nous l’avions tournée trop vite.» Résultat: «Les jeunes Algériens ont une vision positive de la France.» Il ne manque pas d’épingler Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères.
Son affirmation selon laquelle «les relations entre l’Algérie et la France ne s’amélioreront qu’après dès le départ de la génération de la Révolution» est malvenue, selon l’ex-ministre des AE. «Tous ces comportements sont inadmissibles et nous devons nous souvenir de ce que la France a fait en Algérie, afin de ne pas oublier et pour que les jeunes d’aujourd’hui comprennent que tourner la page ne veut pas dire la déchirer», dit-il. Lorsqu’il parle de Boumediene, il axe surtout son intervention sur la relation avec les paysans et les intellectuels. Il évoque également l’assassinat d’Olef Palme, ancien Premier ministre suédois, qui serait peut-être dû au fait qu’il a rencontré Yasser Arafat à Alger, ce que les sionistes ne lui auraient pas pardonné.
Par ailleurs, les deux journalistes qui ont réalisé l’entretien ont longtemps exercé dans des domaines liés à la culture, il n’est pas étonnant que certaines de leurs questions se rapportent à ce secteur.
Ainsi, Hamid Abdelkader et Mohamed Beghali ont évoqué des écrivains comme Frantz Fanon.
Taleb Ibrahimi pense qu’il est l’un des penseurs qui ont rejoint la Révolution algérienne à laquelle il a donné beaucoup de choses. «Je pense que son idéologie sert toujours à combattre le néocolonialisme. Il fait partie de notre patrimoine historique, mais il ne faut pas que nous oublions nos penseurs», a-t-il averti. Taleb Ibrahimi parle aussi de son livre Dans les prisons algériennes.
Les idées exprimées dans le livre restent-elles valables pour faire face à la mondialisation? Il répond que ce sont des messages instantanés qui ont été écrits en prison et ne portent pas de messages philosophiques à l’instar des idées de Frantz Fanon, mais ils donnent une image sur les jeunes Algériens à l’époque et une idée de leur vision du colonialisme. «Aujourd’hui, les jeunes se précipitent pour gagner de l’argent et pour arriver au pouvoir», regrette-t-il.