«Tafsut Imazighen»: Ce qui s’est passé en 1980 à Tizi Ouzou

«Tafsut Imazighen»: Ce qui s’est passé en 1980 à Tizi Ouzou

Le film des événements, de l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri le 10 mars 1980 jusqu’à la libération des 24 détenus le 26 juin de la même année.

Tout a commencé par l’interdiction de la conférence que devait donner Mouloud Mammeri à l’université de Tizi Ouzou sur son livre, «Poèmes kabyles anciens», qui venait à peine de paraître en France. C’était le 10 mars 1980. Arrivé à Drâa Ben Khedda, l’écrivain et chercheur dans le domaine de la culture et langue amazighes est interpellé dans un barrage de police.

On lui signifie que sa conférence ne peut pas avoir lieu. Elle a été interdite. La mauvaise nouvelle parvient évidemment aux étudiants qui attendaient l’arrivée du conférencier. La colère n’a pas tardé pour gagner tous les étudiants. Ils conviennent alors de se mobiliser. Une assemblée générale est convenue pour le lendemain. Il s’agit de voir comment réagir pour dénoncer cette provocation. Des centaines d’étudiants se réunissent à l’université de Tizi Ouzou.

Ils décident d’observer un sit-in de protestation devant le siège de la wilaya de Tizi Ouzou. Des slogans de révolte sont alors scandés et brandis comme «Culture berbère, culture algérienne», «Halte à la répression culturelle», «Le berbère est notre langue», «nous en avons assez de l’injustice»… Le lendemain, les lycéens de la wilaya se joignent au mouvement de protestation. Ils observent une grève pour soutenir les étudiants dans leur quête de liberté. Puis, le mouvement fait tache d’huile. Il atteint d’autres localités. On observe des scènes de colère et de révolte un peu partout. Le président Chadli Bendjedid, devant effectuer une visite à Tizi Ouzou, l’annule compte tenu des événements.

Le 16 mars, une marche des étudiants en guise de soutien à ceux de Tizi Ouzou a lieu. Le 18 mars, le célèbre article «Les donneurs de leçons» est publié dans El Moudjahid. L’article met le feu aux poudres. Les manifestations se poursuivent en Kabylie. Une marche est réprimée à Alger le 7 avril. Le 10 avril, le FLN organise une contre-manifestation dans la ville de Tizi Ouzou. Le 11 avril, la réponse de Mouloud Mammeri à El Moudjahid n’est pas publiée. Elle est photocopiée et distribuée. Le 16 avril, une grève générale est observée en Kabylie. Tous les secteurs sont paralysés. Ce qui a eu pour effet de précipiter les événements.

Le 20 avril à 1h du matin, l’université, l’hôpital et les usines de Tizi Ouzou sont envahis par les forces de sécurité. Des arrestations en masse sont opérées. Aucun mort n’a été déploré contrairement aux rumeurs. L’état de siège est désormais décrété. Les manifestations ne s’arrêtent pas pour autant. Les routes de Kabylie sont coupées, même au centre-ville de Tizi Ouzou. Il y a des barricades un peu partout. Durant toute la semaine ayant suivi le 20 avril, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se poursuivent.

Les routes sont barrées. Une grève de trois jours de tous les secteurs d’activité est annoncée par les étudiants. Les arrestations ne cessent pas. Un peu partout, des manifestants sont embarqués. Le 10 mai 1980, Matoub Lounès anime un concert à l’Olympia de Paris. Le gala est dédié aux victimes des événements. Une minute de silence est observée à l’appel de Matoub, croyant qu’il y a eu des morts lors de ces manifestations. Les grèves et les manifestations se poursuivent en Kabylie. A Alger aussi.

Désormais, les manifestants exigent la libération des 24 détenus dont Arezki About, Djamel Zenati, Achour Belghezli, Mokrane Chemim, Mouloud Lounaouci, Saïd Khelil, Idir Ahmed Zaid, etc. Le 25 juin 1980, une action de soutien aux détenus est organisée à Tizi Ouzou. Le lendemain, les 24 militants emprisonnés pour leurs idées et opinions sont enfin libérés. A Tizi Ouzou, ils sont accueillis triomphalement par les citoyens qui ont fait la fête à cette occasion.