Bâtiments écroulés, voitures calcinées, cratères. Hajine affiche un visage de désolation après les féroces combats entre les forces dominées par les Kurdes et les jihadistes, chassés de leur bastion dans l’est de la Syrie, mais toujours menaçants.
Jusqu’à vendredi, ce grand village de l’est de la Syrie, frontalier de l’Irak, constituait avec d’autres localités environnantes, l’un des derniers réduits de l’EI dans le pays en guerre. Les forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes appuyés par la coalition antijihadistes dirigée par les États-Unis, ont réussi au terme de plus de trois mois de combats acharnés à en déloger les jihadistes. Un combattant des FDS assis sur le toit d’un véhicule avec des camarades fait le «V» de la victoire. «Hajine est désormais entre nos mains», se félicite Zanar Awaz, un commandant des FDS sur place, où le drapeau jaune des FDS flotte en haut d’un bâtiment. «Nous avons fait face à de nombreux obstacles, notamment les voitures piégées et les kamikazes», raconte-t-il à l’AFP. Outre les véhicules piégés et les attentats-suicide, l’EI a eu aussi recours à des mines. Des équipes spécialisées ont d’ores et déjà entamé des travaux de déminage dans la zone, selon les FDS.
Tunnels et tranchées
Cette stratégie de la terre brûlée avait ralenti ces dernières semaines l’avancée de l’alliance kurdo-arabe, qui avait été contrainte maintes fois de reculer sous le coup de contre-attaques meurtrières. Depuis le début de son offensive contre la région de Hajine le 10 septembre, près de 550 membres des FDS ont été tués, contre plus de 930 jihadistes, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie. Plus de 320 civils ont également péri. Sur une petite colline où est situé le cimetière de Hajine, des tunnels et des tranchées, recouverts par des draps et des couvertures colorés, témoignent de l’ancienne présence des jihadistes. Des douilles de balles et des étuis d’obus jonchent le sol. Bahouz, un membre des FDS, se souvient d’être entré dans l’hôpital de Hajine après que les FDS en eurent chassés les jihadistes. Il raconte avoir pris avec son téléphone portable plusieurs photos de cadavres de combattants de l’EI. «Ils pensent qu’ils iront au paradis», ironise-t-il. «La mort était leur destin parce qu’ils ont tout détruit», ajoute le jeune combattant, armé d’une mitraillette et de grenades. Mais la victoire à Hajine ne signe pas pour autant la fin de la bataille anti-EI dans le secteur. D’abord, les jihadistes sont toujours actifs aux abords de la localité. «Les combats ont lieu à l’heure actuelle à la lisière de Hajine», indique Zanar Awaz. L’EI a encore tenté une contre-attaque samedi, à l’aube, pour récupérer les secteurs perdus dans la ville, située dans la vallée du fleuve Euphrate.
«Nous remporterons la victoire»
Un convoi militaire américain pénètre dans la localité avec des soldats à bord, munis d’armes et de jumelles. Des avions de la coalition sillonnent le ciel tandis que des renforts sont envoyés au front pour consolider les premières lignes de défense. Outre la défense de Hajine, les FDS s’apprêtent à lancer un assaut contre Soussa et Al-Chaafa, deux villages voisins toujours aux mains de l’EI. «Nous nous préparons à pénétrer dans les localités environnantes en vue d’exterminer cette organisation terroriste», indique M. Awaz. «Il ne reste pas grand chose à reprendre, mais ce qui entrave (l’avancée au sol), ce sont les tranchées» creusées par l’EI, explique Mohamad al-Mohamad, jeune combattant de 19 ans qui se rend vers l’une des lignes de front. Des explosions d’obus lancés par l’artillerie de la coalition contre des cibles jihadistes retentissent au loin.
Selon l’OSDH, quelque 17.000 combattants des FDS sont impliqués dans cette offensive, tandis que près de 2.000 jihadistes sont retranchés dans leurs dernières poches de l’est syrien. L’EI a vu son «califat» auto-proclamé se réduire comme peau de chagrin face à de multiples offensives, après une montée en puissance fulgurante en 2014. «Nous nous dirigerons vers Soussa et Al-Chaafa et les libérerons (…) Nous remporterons la victoire», affirme fièrement Mohamad al-Mohamad.