Syrie, Qui représente quoi ?

Syrie, Qui représente quoi ?

La chute de la ville frontalière de la Turquie, Azaz, aux mains des éléments de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), après une opération éclair, marque une fracture importante dans le conglomérat de l’opposition armée

L’opposition syrienne est dans tous ses états. Alors que l’Occident se mobilise pour réussir la rencontre des « amis de la Syrie » et procéder à la livraison des armes voulue par la France « dans un cadre contrôlé », la bataille pour le contrôle du terrain bat son plein entre les partisans de l’ASL (Armée syrienne libre) et les groupes extrémistes affiliés à El Qaïda, accusés de privilégier le projet stratégique d’instauration d’un Etat islamique.

La chute de la ville frontalière de la Turquie, Azaz, aux mains des éléments de l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL), après une opération éclair, marque une fracture importante dans le conglomérat de l’opposition armée marquée par l’hégémonie incontestable du Front Nosra reconnue comme « organisation terroriste ». La guerre est déclarée par la coalition, condamnant, pour la première fois, dans un communiqué, « les agressions de l’EILL contre les forces de la révolution (…) et son mépris pour la vie des Syriens ».

Les divergences politiques et doctrinales sont étalées au grand jour. L’état des lieux en fait foi : la dénonciation par la coalition des « projets extérieurs » favorables à un Etat islamique en violation de la souveraineté nationale, le bellicisme à l’égard de l’ASL, la volonté de maintenir une emprise totale sur des « zones libérées »… Mais le schisme idéologique couronne la difficile cohabitation dictée par les vertus du peuple syrien « enclin à la modération et au respect des religions et du pluralisme politique et rejette la pensée extrémiste et l’exclusion qui se traduisent par des actes criminels contre les musulmans et les non-musulmans ».

Face à la « tempête du Nord » — le bataillon local de l’ASL appuyé par la brigade Tawhid venue en renfort—, la crise politique est révélatrice de la question de la représentativité de l’opposition frappée du sceau de la suprématie de la nébuleuse extrémiste. Cette réalité clamée par Damas n’indiffère plus une certaine opposition prônant le recours à la force et inquiète des retombées de l’intervention étrangère. Dans un paysage miné par les luttes intestines et la guerre de leadership entre les différentes fractions de l’opposition armée et la montée de la contestation communautaire (cas des Kurdes en conflit avec les groupes extrémistes), le camp interventionniste, emmené par Washington, ne désespère pas d’imposer « la semaine prochaine » la résolution « forte et contraignante » contestée par Moscou.

Jeudi, le secrétaire d’Etat, John Kerry, a de nouveau exhorté le Conseil de sécurité à voter cette résolution, en pressant la Chine de jouer un « rôle constructif ». Le président russe, Vladimir Poutine, est revenu à la charge pour vanter l’attitude de Damas concernant le démantèlement des armes chimiques qui « inspire confiance ». Prête à une trêve, formulée par le vice-Premier ministre syrien, Qadri Jamil, lors d’un entretien avec le quotidien britannique The Guardian Damas entend privilégier la solution politique négociée et la voie diplomatique pour régler la crise, dans la perspective de la relance de Genève 2. Cette démarche a été soutenue par l’allié iranien qui a proposé de faciliter le dialogue entre le régime de Bachar El Assad et l’opposition qui n’arrive pas à parler de la même voix et s’enlise dans les guerres des tranchées.

Les tribulations de l’opposition syrienne, dans ses différentes expressions, renseignent sur les paradoxes d’un Occident soufflant sur le brasier et tournant le dos aux victimes de la crise qui souffrent, dans les camps de réfugiés, de la « solidarité au compte-gouttes » de l’Europe verrouillant les frontières menacées par les arrivées massives des personnes fuyant les combats et, note le chef du gouvernement italien, Enrico Letta, l’absence « d’approche commune au problème » des réfugiés. « Aucun plan » n’est donc prévu par le Britannique David Cameron. Très active en matière de velléités interventionnistes, la France reste très discrète sur le dossier humanitaire. Les limites budgétaires de l’UE ont mis à sec le chapitre humanitaire.

Larbi Chaabouni