Pour la seconde fois depuis la crise des armes chimiques, John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, qui a déjà qualifié le massacre d’« indécence morale », a parlé.
Dans une déclaration solennelle, le chef de la diplomatie américaine a donc validé les conclusions des agences de renseignement américaines publiées dans un rapport de quatre pages. Tout en réfutant la thèse « hautement improbable », défendue par Moscou et Damas pointant l’index sur la rébellion, elle conclut à la « forte certitude » de la responsabilité du régime d’al Assad fondée sur un faisceau de « preuves » provenant de sources humaines, d’interceptions électroniques et d’images satellitaires révélant les préparatifs : la présence d’une équipe syrienne dans la région, trois jours avant l’attaque chimique, les tirs de roquette et d’artillerie « tôt » la journée du 21 août sur plusieurs quartiers contrôlés par les rebelles, les communications interceptées entre un haut responsable « intimement au courant de l’offensive » qui confirme l’utilisation d’armes chimiques par le régime.
Une « absurdité totale », estime Moscou qui demande aux Etats-Unis de fournir des preuves de l’emploi d’armes chimiques par la Syrie. « Qu’ils les montrent aux enquêteurs des Nations unies et au Conseil de sécurité. S’ils ne le font pas, cela veut dire qu’il n’y en a pas », a déclaré le président Vladimir Poutine. Des « mensonges », relève le ministère syrien des Affaires étrangères. « Ce que l’administration américaine a qualifié de preuves irréfutables n’est rien de plus que d’anciennes histoires diffusées par les terroristes depuis plus d’une semaine, avec tout ce qu’elles comportent de mensonges, de fabrications et d’histoires montées de toutes pièces », a déclaré le ministère dans un communiqué lu à la télévision syrienne. La thèse américaine n’a pas trop convaincu.
Elle prêche par un argumentaire qui tire toute sa pertinence des « réseaux sociaux et des sites Internet » et un bilan trompeur (1.429 morts 426 enfants) basé sur « des chiffres fictifs fournis par les groupes armés en Syrie et l’opposition à l’étranger ». Dans sa quête de sa guerre en Syrie, Obama est fragilisé par le déficit de légalité, l’effritement de la coalition internationale et une opinion nationale et extérieure réfractaire au recours à la force. Dans la ligne de feu, le duo franco-américain, partageant la « même certitude », va devoir compter uniquement sur la Ligue arabe, la Turquie et l’Australie.
A cet isolement international, il faudra aussi noter les réticences du Congrès dont près du tiers de sa composante (116 élus dont 18 démocrates sur 435) a réclamé une convocation urgente. Une lettre signée par des parlementaires, en majorité démocrates, a été envoyée au président Obama, alors que le sénateur républicain, Jim Infoe, a critiqué l’absence de « calendrier et de stratégie pour la Syrie et le Moyen-Orient ».
Mais, pour inéluctable qu’elle soit, la guerre d’Obama se satisfait de la « fenêtre d’opportunité » présentée par le départ de la mission onusienne pieds et poings liés, pour lancer une action punitive contre Damas « prêt à riposter également à tout moment ». Cette troisième guerre du Proche-Orient « va au-delà » pour servir d’avertissement à l’Iran et au Hezbollah. Le sort en est-il jeté ?
Larbi Chaabouni