Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté samedi à l’unanimité une résolution autorisant l’envoi de 300 observateurs en Syrie pour surveiller un cessez-le-feu sérieusement compromis par la mort de plus de 200 personnes depuis son instauration il y a 10 jours.
Dans le même temps, les observateurs déjà sur place se sont rendus à Homs (centre), ville symbole ayant été la cible ces derniers jours de violents bombardements.
Les 300 observateurs militaires non armés doivent être déployés « rapidement » et « pour une période initiale de 90 jours », selon le texte, mais il faudra d’abord que le chef de l’ONU Ban Ki-moon détermine si « la consolidation » du cessez-le-feu permet ce déploiement. Les Etats-Unis ont déjà menacé de ne pas prolonger cette mission au-delà de trois mois.
Immédiatement après le vote, M. Ban a appelé Damas à « créer rapidement les conditions nécessaires pour le déploiement de la mission ».
Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, s’est prononcé pour que les observateurs soient « déployés rapidement et sans entrave », menaçant dans le même temps Damas de « toutes les options envisageables » s’il ne respecte pas ses engagements.
Son homologue allemand Guido Westerwelle a jugé quant à lui que « le temps des ruses et des petits jeux tactiques est terminé ».
De son côté, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, a indiqué à l’AFP que M. Ban devait être prudent sur les conditions d’envoi du contingent en Syrie.
« Notre patience est à bout. Personne ne devrait dire que les Etats-Unis seront d’accord pour renouveler cette mission à l’issue des 90 jours » de déploiement, a déclaré Mme Rice au Conseil de sécurité.
L’ambassadeur de France Gérard Araud a soutenu Washington sur cette question en estimant qu’il n’ »y aurait pas de renouvellement automatique », sauf « si nous pensons que ce serait utile ».
Pour le Russe Vitali Tchourkine, la déclaration de Mme Rice « n’aide pas » (au réglement).
L’Armée syrienne libre (ASL), qui regroupe des militaires dissidents, a salué le vote du Conseil de sécurité et le colonel Kassem Saadeddine, son porte-parole en Syrie, a souligné que l’ASL était « engagée par le cessez-le-feu ».
La mission des observateurs s’annonce à haut risque, alors que de nouvelles violences ont fait samedi 11 morts à travers le pays. C’est la première fois que des Casques bleus sont envoyés dans une zone de conflit sans armes et sans un accord formel de cessez-le-feu.
La Russie, grand allié de Damas qui a bloqué deux résolutions condamnant la répression avant d’adopter les deux projets prévoyant l’envoi d’observateurs, a appelé gouvernement et opposition à mettre fin aux violences et à coopérer afin de faire respecter le plan de l’émissaire international Kofi Annan.
Le régime et l’opposition s’accusent mutuellement de violer quotidiennement la trêve instaurée le 12 avril.
A Homs, surnommée la « capitale de la révolution » par les militants, les observateurs ont notamment visité le quartier de Baba Amr, repris par l’armée le 1er mars au terme d’un mois de pilonnage incessant et meurtrier, et rencontré, selon l’agence officielle Sana, le gouverneur de la province, et des habitants ainsi que des déserteurs de l’Armée syrienne libre, selon des vidéos de militants.
Depuis l’instauration de la trêve, l’armée a quasiment quotidiennement bombardé des quartiers qui échappent encore à son contrôle, tuant vendredi six civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l’opposition, avait réclamé la visite « immédiate » des observateurs à Homs pour arrêter « les crimes du régime sanguinaire ». Le CNS a de nouveau appelé le Conseil de sécurité « à agir de toute urgence en intervenant militairement ».
Après avoir tergiversé, Damas a signé le protocole organisant le travail, et en particulier la liberté de mouvement, des premiers observateurs, mais l’équipe de M. Annan « ne se fait pas d’illusions » sur une amélioration de la situation, a affirmé un diplomate occidental.
Elle fait valoir, selon lui, « qu’envoyer les observateurs c’est mettre le pied dans la porte » et agir comme un « élément de modération sur le comportement du régime ».
Samedi, neuf déserteurs ont péri dans une embuscade tendue par les forces gouvernementales syriennes dans la province d’Alep (nord) et deux civils ont été tués à Deraa (sud) et à Qousseir (centre), selon l’OSDH.
La veille, les violences avaient coûté la vie à 46 personnes -29 civils et 17 soldats-, selon l’OSDH.
Au total, elles ont fait au moins 11.100 morts en 13 mois et des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées, selon l’ONG. Les autorités affirment avoir libéré 4.000 détenus depuis novembre.