Les rebelles affrontaient jeudi des centaines de combattants kurdes dans des combats sans précédent dans le nord de la Syrie, quelques heures après avoir chassé les troupes du régime d’une importante zone de l’Est du pays, près de l’Irak.
Cette bataille, à la lisière de la Turquie où devraient être déployés par l’Otan des missiles de défense anti-aérienne Patriot, oppose des centaines d’insurgés islamistes à des membres de la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la bête noire du pouvoir à Ankara. La Turquie et ses alliés occidentaux craignent un débordement du conflit syrien qui a fait en 20 mois plus de 40.000 morts, dont une majorité de civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) qui s’appuie sur un réseau de militants et de médecins.
Dans la ville de Rass Al-Aïn, où les rebelles ont pris un point de passage vers la Turquie, 200 jihadistes du Front Al-Nosra et une centaine d’hommes de la brigade islamiste Ghouraba al-Cham, appuyés par trois chars pris à l’armée, s’opposaient à quelque 400 combattants kurdes, a précisé l’OSDH. Dans une vidéo mise en ligne, Ghouraba al-Cham s’en prend au Parti de l’Union démocratique kurde (PYD), branche syrienne du PKK, accusé par les rebelles de faire le jeu du régime syrien dont les troupes se sont retirées de plusieurs localités de la région tombées de fait aux mains des Kurdes.
Un homme, au milieu d’une cinquantaine de rebelles armés devant un char, y appelle « tous ceux qui affrontent notre révolution et pointent leurs armes contre nous, notamment le PYD, le PKK à se retirer immédiatement de Rass Al-Aïn« . Le nord et le nord-est abritent la plupart des deux millions de Kurdes de Syrie, dont les milices indépendantes sont parfois hostiles à la rébellion. La Turquie avait accusé le pouvoir à Damas d’avoir « confié » plusieurs zones du nord au PYD et considéré l’installation de ce parti près de sa frontière comme « dirigée contre » elle.
Des batteries de Patriot en Turquie
Plus au sud, les rebelles ont enregistré un succès en prenant Mayadine, l’une des dernières villes de la province de Deir Ezzor aux mains du régime de Bachar al-Assad. « La zone, qui s’étend de la frontière irakienne à la lisière de Deir Ezzor, est désormais le secteur le plus important échappant totalement au contrôle de l’armée« , a expliqué à l’AFP le chef de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane.
Le régime, dont l’armée est bousculée par une rébellion de plus en plus audacieuse, a réduit ses ambitions territoriales pour se concentrer sur une ligne partant du sud, passant par Damas et le centre de la Syrie et rejoignant le pays alaouite et la côte, dans le nord-ouest, estiment des analystes. Ses troupes ont ainsi repris leurs bombardements sur le sud de Damas et la campagne environnante pour tenter d’en chasser les rebelles, selon l’OSDH. Selon le quotidien du parti Baas au pouvoir, « l’opération de purge de la région de Damas est entrée quasiment dans son étape finale grâce à l’élimination de dizaines de terroristes dans la Ghouta orientale ».
Cette région de vergers est la principale base arrière des rebelles qui cherchent à prendre Damas, la place forte du régime. Selon un bilan provisoire de l’OSDH, 48 personnes ont péri jeudi à travers le pays, dont 26 civils, les violences faisant tous les jours des dizaines de morts en Syrie en proie depuis le 15 mars 2011 à une révolte populaire devenue conflit armé face à la répression sanglante du régime.
Devant l’escalade à sa frontière, Ankara a demandé à l’Otan le déploiement de Patriot sur son sol. Les Etats-Unis se sont déclarés plutôt favorables à cette demande, l’Allemagne a dit espérer un feu vert du Parlement et les Pays-Bas ont fait savoir qu’ils se pencheraient « sur la possibilité d’une contribution ». Parmi les 28 membres de l’Otan, seuls ces trois pays possèdent des Patriot. Moscou, grand allié du régime Assad, a en revanche demandé à Ankara de favoriser une solution politique plutôt qu’à « montrer ses muscles ».