L’un est un diplomate polyglotte, l’autre un rebelle peu connu: difficile d’imaginer plus grand contraste entre le chef de la délégation du régime Bachar al-Jaafari, et celle de l’opposition Mohammed Allouche, qui négocient à Genève par l’intermédiaire de l’ONU.
Jaafari, un diplomate faucon
Bachar Jaafari représente la face publique du régime qui est ostracisé par l’Occident et fustigé par les organisations de défense des droits de l’Homme.
Elancé, barbichette grise taillée avec soin, il représente la Syrie à l’ONU depuis bientôt une décennie.
Défenseur inconditionnel du pouvoir, il a déclaré être à Genève « pour mener des négociations indirectes sans conditions préalables et sans interventions étrangères ». « Souvenez vous bien de que je vous dis. Considérez ces mots comme la phrase d’introduction de notre Coran ».
Né à Damas en 1956, M. Jaafari est un musulman alaouite, comme le président Bachar al-Assad, une minorité religieuse au pouvoir en Syrie depuis un demi-siècle.
Licencié en littérature française, détenteur d’un doctorat en Sciences politiques de la Sorbonne, il parle couramment le français, l’anglais et le persan, outre l’arabe.
Après ses études, il embrasse la carrière diplomatique d’abord à Paris, en Indonésie puis aux Nations unies.
Depuis le début du conflit en mars 2011 déclenché par des manifestations pacifiques proréformes rapidement réprimées, M. Jaafari fait fi des critiques adressées au régime par les Occidentaux et des pays arabes.
Il a ainsi rejeté comme « sans fondement » les rapports de l’ONU sur les graves violations des droits de l’Homme par le régime.
Pour un diplomate à New York, son « analyse partiale de la situation en Syrie » le fait davantage apparaître comme « un porte-parole zélé d’Assad que comme un diplomate », et en fait donc un « interlocuteur inefficace ».
Sous ses airs policés, il peut se montrer injurieux contre ses adversaires. En cinq ans, ses traits se sont creusés.
Les Etats-Unis ont restreint ses mouvements depuis 2014 et il ne peut circuler que dans un périmètre de 40 km autour de New York.
Marié à une Iranienne, M. Jaafari est apprécié du régime. « On l’a surnommé ‘le lion de la diplomatie’ car il n’hésite pas à s’en prendre à ses homologues du Golfe et il est considéré comme un négociateur impitoyable car il sait ce qui se passe dans les coulisses de l’ONU », affirme à l’AFP un journaliste proche du pouvoir.
– Allouche, un rebelle en costume
Musulman sunnite et étudiant la loi islamique, le salafiste Mohammed Allouche est de 15 ans le cadet de M. Jaafari. Vivant la majorité de son temps en Arabie saoudite, il est relativement inconnu dans son pays.
« Il ne passe que 15 jours par an dans sa maison de Douma. Ici, les gens ne le connaissent pas », affirme à l’AFP un habitant de ce fief rebelle près de Damas.
Il est le cousin de l’ancien chef de cette organisation, Zahrane Allouche, tué fin décembre dans un raid revendiqué par le régime.
Une biographie officielle fournie par Jaich al-Islam le présente comme un « politique » et non un « combattant » dans le groupe.
Visage rond encadré d’une barbe, M. Allouche paraît assez réservé. « Il est calme et tranquille », confie à l’AFP un militant.
Foulant pour la seconde fois les couloirs de l’ONU à Genève, il était brièvement présent à la réunion en janvier. Sa nomination comme chef négociateur du Haut comité des négociations (HCN) n’a pas fait l’unanimité.
Des membres de l’opposition ont accusé Jaich al-Islam d’être impliqué dans le rapt à Douma de défenseurs des droits de l’homme, toujours disparus.
Certains militants estiment qu’Allouche a été choisi pour provoquer le régime et pour « contrarier la Russie à cause de la mort de Zahrane Allouche », a indiqué une source rebelle. « En plus, cela embarrassera sérieusement le régime de devoir négocier avec lui car pendant cinq ans ils ont répété que Jaich al-Islam était une organisation terroriste qui bombarde Damas. Alors comment le régime peu s’asseoir avec un terroriste? » ajoute cette source.