Une semaine après son élection à la magistrature suprême, Bachar al-Assad décrète une amnistie générale pour tous les crimes de guerre.
« Pour tous les crimes commis jusqu’à ce lundi », a précisé, hier, sur Al-Ikhbariya, la télévision d’État, le ministre de la Justice ajoutant que cette initiative intervient « dans le cadre de la réconciliation et de la cohésion (…) après les victoires de l’armée syrienne » sur le terrain.
Cette amnistie est, après celles des 31 mai et 21 juin 2011, du 15 janvier 2012 et du 16 avril 2013, la cinquième depuis mars 2011, date du début d’une révolte populaire qui s’est transformée moins de trois ans plus tard en guerre ouverte entre les forces armées loyales au régime et les « insurgés » secondés par des groupes armés terroristes et des djihadistes originaires de 83 pays, selon Damas.
Cette amnistie, qui ne précise pas qui en serait concerné, ni combien de prisonniers seraient libérés, serait-elle à même de permettre aux Syriens de se réconcilier ? Lakhdar Brahimi, qui pourrait être remplacé par Amr Moussa au poste représentant de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, craint l’explosion de toute la région. « A long terme, toute la région va exploser si aucune solution n’est trouvée », dit-il dans un entretien à Der Spiegel, un magazine allemand estimant, comme beaucoup d’analystes, que la Syrie pourrait se transformer en une nouvelle Somalie.
« On ne va pas assister à une scission du pays, comme beaucoup le prédisent, et la Syrie va devenir un Etat en déliquescence où règnent des seigneurs de guerre », prédit Brahimi avant de pointer du doigt le groupe radical sunnite l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et de mettre en garde les gouvernements occidentaux qui ont fait l’erreur de soutenir « les efforts de guerre au lieu des efforts de paix », contre les risques de cette guerre pour eux. « L’EIIL est actif en Syrie et en Irak. La Jordanie peine déjà à tenir bon, c’est la même chose pour la Turquie. Ces trois derniers mois, les combattants de l’EIIL ont perpétré 100 attentats en Syrie et 1.000 en Irak » et « il y a 500 à 600 Français, en gros le même nombre de Britanniques.
Des milliers de non-ressortissants syriens combattent là-bas », rappelle le diplomate algérien. Et de conclure : « Tous ces gens se font former en Syrie et croient qu’ils ont pour mission d’ériger un Etat islamique dans le monde.
C’est une assez grande menace pour vous, pas vrai ? ». Parallèlement à cette amnistie et cette mise en garde de Brahimi, le Premier ministre du Qatar, cheikh Abdallah ben Nasser ben Khalifa Al-Thani, presse le Conseil de sécurité d’agir. « Il incombe à la communauté internationale, notamment au Conseil de sécurité, d’agir d’urgence pour adopter une résolution sur un cessez-le-feu et préserver la sécurité du peuple syrien », dit-il à l’ouverture du 11e forum sur les relations entre les Etats-Unis et le monde islamique.
« La crise syrienne constitue un danger réel pour l’unité de la Syrie et pour la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la région », ajoute-t-il. La Turquie et l’Iran, les deux plus importants pays de la région, veulent mettre un terme à ce conflit qui aurait fait 162 ;402 morts dont 53.978 civils, parmi lesquels 8.607 enfants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Les présidents turc Abdullah Gül et iranien Hassan Rohani, qui sont « déterminés à combattre l’extrémisme et le terrorisme », se sont engagés, hier, à coopérer pour « faire cesser les souffrances dans la région ».
Djamel Boukrine