En attendant de réaliser son ambition de “saut qualitatif” dans l’Éducation nationale, Mme Nouria Benghebrit s’est enfin livrée, hier, au forum du quotidien El-Moudjahid, à l’exercice de la communication.
C’est avec clarté et conviction qu’elle a présenté et expliqué les principaux axes de son plan d’action. Une réforme dont la portée pédagogique ne fait pas débat dans la profession, autant que les revendications socioprofessionnelles. C’est donc un appel à la raison et à la sauvegarde de l’école qu’a lancé la ministre à l’adresse des différents acteurs du secteur car, dit-elle, “nous voudrions juste parvenir à une stabilité qui nous permette de mettre en œuvre ce vaste et ambitieux programme en collaboration avec tous les acteurs”.
Ce programme, dont de nombreux points ont déjà été relayés par la presse nationale, constitue néanmoins un ensemble cohérent. L’approche choisie par le ministère vise à réaliser un bond qualitatif, mais aussi à réduire les inégalités territoriales. “La refonte pédagogique, la formation des formateurs et la bonne gouvernance” sont les trois piliers autour desquels l’action du ministère sera conduite.
Sur le plan pédagogique, les premières mesures à entrer en vigueur sont : la suppression de la deuxième session de l’examen de fin de cycle primaire, l’ouverture des classes spéciales pour les recalés au baccalauréat, la réinscription en redoublement des élèves exclus de 1re et 2e années n’ayant jamais redoublé, le lancement des cours télévisés pour les candidats au bac et au BEM et la relance du projet “promotion de la lecture à l’école”.
En toile de fond, ce sont d’autres chantiers qui sont lancés en convergence autour du cycle primaire, désigné comme “terrain prioritaire”, et des enseignants et inspecteurs, identifiés comme “population cible”. La ministre tient à rappeler que “la formation demeure l’élément central et transversal pour la mise en œuvre de ce plan stratégique”. Concernant la réécriture des programmes du cycle obligatoire, la ministre a annoncé qu’à la prochaine rentrée, les élèves de 1re année du cycle primaire auront seulement deux manuels scolaires : “l’un pour les contenus scientifiques et l’autre pour les contenus littéraires.”
De même, il est prévu d’inclure des activités parascolaires culturelles et sportives afin, dit-elle, “d’agir sur l’épanouissement de l’enfant”. S’agissant l’enseignement secondaire, Mme Benghebrit a annoncé qu’une évaluation nationale portant sur ce cycle sera initiée dès le mois de janvier prochain, “comme ce qui a déjà été fait pour le cycle obligatoire”.
Mme Benghebrit refuse le chantage des syndicats
Améliorer la gouvernance et décentraliser la gestion sont des priorités pour la ministre. Pour cela, elle préconise le respect de la règle de droit, la normalisation du secteur à travers la mise en place d’un système d’indicateurs et de ratios, l’informatisation des données pour plus de transparence, de célérité et de traçabilité des actions menées et l’élaboration d’une charte d’éthique pour “une moralisation du secteur et le rétablissement de l’exemplarité dans le comportement”. Tout en affirmant qu’elle a cumulé 45 rencontres avec les syndicats et les représentants des parents d’élèves depuis sa nomination à son poste, la ministre insiste sur l’importance de la concertation avec les acteurs du secteur “dans un cadre organisé”, précise-t-elle. Un message adressé clairement aux partenaires sociaux dont les mouvements de contestations empêchent, selon elle, la tenue d’un véritable dialogue.
“Conformément aux dispositions légales, il y aura des ponctions sur salaire pour les personnels grévistes”, annonce-t-elle tout en précisant que “cela ne signifie pas l’arrêt des négociations”. Elle demande donc du temps. La ministre concède que les revendications socioprofessionnelles présentées par les syndicats sont pour la plupart recevables et elle promet d’y répondre. Mais elle demande du temps pour d’abord, éviter les écueils de la révision des statuts menée en 2012 et surtout, elle refuse les moyens que choisissent les syndicats pour protester. “Lorsqu’on négocie, les deux parties doivent faire des concessions.
Arriver avec des revendications et exiger d’obtenir gain de cause tout de suite sous la menace d’une grève illimitée, pour moi, c’est du chantage”, explique-t-elle. Enfin, la ministre relève que le rajeunissement des effectifs du secteur — “plus de 70% des enseignants ont moins de 40 ans” — nécessite un important effort d’adaptation à une population d’élèves qui est, elle aussi, “très différente par rapport à autrefois”, a-t-elle estimé. Dans le même sillage, Mme Benghebrit prévient que les départs à la retraite anticipée doivent êtres signalés par les intéressés au moins un an avant “pour éviter les situations de manque d’enseignants tel que vécu au cours de la dernière rentrée scolaire”.