J’aimerais bien que Cadamuro s’étale sincèrement sur les sentiments profonds qui l’ont animé après avoir découvert Alger pour la première fois de sa vie. Il ne peut pas la jouer comme un mec que rien n’étonne, car c’est très particulier pour lui. Si on lui avait dit, il y a un an, qu’en 2012, il serait international algérien et qu’il visiterait le pays natal de sa maman au mois de mai, escorté par la police, je suis sûr qu’il aurait rigolé, tellement ça aurait paru invraisemblable. Déjà le fait d’avoir fait une escale à l’aéroport d’Alger en février, sans y entrer, ne peut pas être normalement vécu. Ça n’arrive pas à tout le monde. De plus, le mec menait une vie tranquille chez lui et on est allé le secouer en lui demandant s’il voulait jouer pour l’Algérie. Je suis sûre que les ondes du choc continuent à vibrer dans son crâne à ce jour. Heureusement qu’il n’avait pas hésité, comme certains. Il serait haï à vie par les supporteurs. Mais j’aimerais tant qu’il nous dise si c’est la même image qu’il se faisait d’Alger avant de venir. Le pauvre a dû être bousculé par la saleté des rues, les klaxons incessants, les fous au volant, les balcons toujours remplis de linge et les millions de paraboles rouillées qui ornent les façades. Il a vu aussi, peut-être, les trottoirs et les rues troués et pleins de vendeurs et voleurs à la sauvette. Il a vu d’horribles choses dehors, comme dedans, à Sidi Moussa. Il a vu tous nos défauts d’Algériens, ou les verra un autre jour, à Bousmaïl, d’où vient la famille de sa mère. S’il reste choqué, je lui dis de repartir en Europe et ne plus jamais revenir parmi nous. Mais s’il comprend que ces sales habitudes nous ont été imposées par 132 ans de colonisation stérilisante qui a forcé nos grands-parents à l’inculture, là, il verra toute cette poussière comme celle d’un grand chantier en construction et dans lequel il a un rôle important à jouer.

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