Surcoûts et retards, plaie cachée des projets algériens

Surcoûts et retards, plaie cachée des projets algériens
surcouts-et-retards-plaie-cachee-des-projets-algeriens.jpg

Le thème des finances publiques a connu au cours des dernières semaines de nouveaux  développements qui ont mis l’accent sur les conditions d’exécution des budgets d’équipement de l’Etat, notamment à la faveur de la publication de la loi de règlement budgétaire pour 2010 et des commentaires de la Cour des comptes. Retards, surcoûts, absence de maturation, les griefs ne manquent pas. Le ministre des finances relativise…

Le sujet est d’autant plus sensible que les investissements publics, réalisés principalement dans les infrastructures économiques de base, ont été considérés généralement, tout au long de la décennie écoulée, comme l’aspect le plus positif de l’action des pouvoirs publics algériens dans la sphère économique.

Les principaux secteurs bénéficiaires de l’allocation des ressources ont été  dans l’ordre, à la faveur des vastes  programmes d’investissements qui se sont succédé depuis le début des années 2000, le rail, les routes, le logement, les infrastructures administratives  et l’hydraulique.  Jusqu’à une date toute récente, analystes, opérateurs économiques et commentateurs insistaient principalement sur l’importance des moyens financiers mobilisés.

Ces derniers ont fait l’objet de réévaluations successives qui les ont portés  au titre  du plan quinquennal 2010-2014 au montant faramineux   de 280 milliards de dollars. Les premières réserves exprimées au sujet des conditions de réalisation des  programmes d’investissements publics se sont manifestées vers le milieu de la décennie écoulée. Elles ont gardé un caractère ponctuel et ont concerné principalement les retards dans la réalisation des équipements ainsi qu’un certain nombre d’affaires de corruption largement relayées par les médias, notamment celles concernant la réalisation de l’autoroute Est – Ouest.

LG Algérie

Une remise en cause plus systématique

Désormais, on est devant une remise en cause plus globale des conditions d’exécution des budgets d’équipement de l’Etat. Le premier « warning » est passé un peu inaperçu. Il est venu de façon surprenante de la Banque d’Algérie qui attirait l’attention  en février 2012 dans son rapport de conjoncture sur la médiocrité du taux de consommation des crédits votés au titre du budget d’équipement prévue par la loi de finance pour 2011.

L’institution dirigée par Mohamed Laksaci mentionnait notamment un taux de consommation des crédits d’équipement à peine supérieur à 30% à fin septembre 2011.  Plus récemment encore le « projet de loi portant règlement budgétaire pour 2010 », un document encore « confidentiel » mais déjà largement commenté par la presse nationale, indique qu’en 2010 les dépenses prévues par la loi de finances n’ont été réalisées que très inégalement . Si les crédits  de fonctionnement  ont été  consommés à près de 80%, les dépenses  destinées à l’équipement  connaissent plus de difficultés de réalisation et sont seulement consommées à 64%.

C’est en s’appuyant sur ce dernier document, qui possède d’ailleurs juridiquement le statut de loi de finances, que la Cour des Comptes a dernièrement formulé de nombreuses critiques à l’égard  des conditions d’exécution des budgets d’équipement. Elles épinglent particulièrement les «  insuffisances en matière de maturation des projets ,  notamment en matière d’infrastructures d’envergure telles que celles inhérentes aux secteurs des ressources en eau, des transports ou de l’habitat, qui  sont  pour l’essentiel à l’origine des réévaluations du programme d’équipement en cours de réalisation».

Des insuffisances qui « induisent  généralement des modifications profondes dans la structure des projets, en termes de consistance des travaux, des coûts et de délais de réalisation  conditionnant la réussite de la réalisation de grands ouvrages». A titre d’exemple, le rapport mentionne expressément deux projets du secteur des Ressources en eau : le transfert de l’eau potable pour la ville de Tissemsilt et celui de Mostaganem Arzew Oran (MAO). Le coût du projet de transfert d’eau pour la ville de Tissemsilt a englouti une enveloppe supplémentaire de 2,5 milliards de dinars, alors qu’il devait coûter seulement 9 milliards de dinars. Les délais de réalisation de cette infrastructure ont été également revus en passant de 12 mois à 4 ans. Même scénario pour le MAO qui a été réalisé en 46 mois au lieu de 22 mois pour 23,8 milliards de dinars au lieu de 8 milliards de dinars prévus initialement. Plus généralement, la Cour des comptes met en exergue l’absence de célérité dans la mise en œuvre des opérations d’équipement.

Elle précise que Jusqu’en 2010, le ministère de la Culture comptabilisait 14 opérations non lancées pour 24,5 milliards de dinars, celui de la Justice, 21 opérations pour 11,8 milliards de dinars, la Santé 15 opérations pour 4 milliards de dinars, les Finances 27 opérations pour 9,79 milliards de dinars, etc.

Karim Djoudi relativise

Interrogé au sujet de ces nombreuses et récentes  critiques, le ministre des finances s’est contenté d’attirer l’attention, non sans raisons, sur le fait qu’elles ont été pour l’essentiel déclenchées  par la publication de l’avant-projet de loi portant règlement budgétaire. M.Karim Djoudi rappelle que cette pratique, pourtant rendue obligatoire  par la Constitution, a été ranimée seulement l’année dernière après 25 ans d’absence. Tout en s’inscrivant dans cette nouvelle logique institutionnelle, le ministre des Finances,  admet  les critiques de la Cour des comptes sur l’exécution du budget 2010, en s’efforçant de les relativiser.

Il promet tout d’abord  de les « prendre en considération. » ajoutant que « la nécessité de l’amélioration du recouvrement et des dépenses fiscales, sont des critiques que vous retrouverez tout le temps, quelle que soit la qualité de l’amélioration des services. Vous n’aurez jamais un rapport qui vous dira que tout est parfait (…) maintenant il y a des degrés dans la critique qu’il faut prendre en considération ».