Malgré l’opposition et la gauche et des laïcs égyptiens, la probabilité est forte pour que la Constitution soit approuvée en l’état
Signe des tensions persistantes, partisans et adversaires du projet de loi fondamentale se sont encore affrontés vendredi à Alexandrie, la deuxième ville du pays, faisant plusieurs dizaines de blessés.
Les Egyptiens votaient hier pour la deuxième et dernière phase d’un référendum sur un projet de Constitution défendu par les islamistes, qui semble en passe d’être adopté malgré une campagne acharnée de l’opposition et une profonde crise politique. Signe des tensions persistantes, partisans et adversaires du projet de loi fondamentale se sont encore affrontés vendredi à Alexandrie, la deuxième ville du pays, faisant plusieurs dizaines de blessés.
Avant même l’ouverture des bureaux vers 08h00 locales (06h00 GMT), des queues se sont formées devant plusieurs écoles à travers les 17 gouvernorats appelés à se rendre aux urnes, dont Guizeh, qui jouxte Le Caire, et Louxor (sud). «Je vais voter oui parce que l’Egypte a besoin d’une Constitution pour être stable», a déclaré un chauffeur de 49 ans qui patientait devant un bureau de vote de Guizeh.
Non loin de lui, un comptable de 25 ans, a affirmé au contraire qu’il allait «ben sûr voter non» «ette Constitution ne respecte pas les Egyptiens, elle oublie qu’en Egypte il y a eu une révolution. Nous méritons mieux» Comme la semaine dernière, la commission électorale a annoncé avoir prolongé le vote de quatre heures, jusqu’à 23H00 locales (21h00 GMT), pour faire face à l’affluence.
Quelque 51 millions de personnes étaient en tout appelées aux urnes pendant les deux phases. La commission a aussi indiqué qu’elle allait annoncer les résultats définitifs «eux jours après la fin du vote» Selon des chiffres officieux, le «oui» était en tête avec près de 57% des voix lors de la première partie du vote samedi dernier, une avance qui laisse présager une approbation du texte à l’échelle nationale.
La division du pays en deux zones de vote successives avait été décidée pour faire face au boycott de nombreux magistrats chargés de superviser le scrutin, en conflit avec le président islamiste Mohamed Morsi qu’ils accusent de porter atteinte à l’indépendance de la justice. Pour le camp présidentiel, l’adoption d’une nouvelle Constitution doterait enfin le pays d’un cadre institutionnel stable, qui viendrait clore la transition tumultueuse que vit l’Egypte depuis la chute de l’autocrate Hosni Moubarak en février 2011. L’opposition, composée de mouvements en majorité de gauche et libéraux, estime que le texte ouvre la voie à une islamisation accrue et présente de graves lacunes en matière de protection des libertés. Elle a dénoncé de nombreuses «fraudes et irrégularités» pendant la première phase du vote. Le référendum a été précédé par plusieurs semaines de manifestations qui ont parfois dégénéré en heurts entre adversaires et partisans de M.Morsi et du puissant mouvement dont il est issu, les Frères musulmans. Début décembre, huit personnes ont été tuées dans des affrontements d’une rare violence entre pro et anti-Morsi aux abords du palais présidentiel au Caire. Vendredi, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser partisans et opposants au projet de Constitution à Alexandrie.
Si le projet de loi fondamentale est approuvé, des élections législatives sont prévues dans les deux mois pour remplacer l’Assemblée dissoute en juin.
Mais selon des analystes, l’adoption d’une nouvelle Constitution ne devrait pas mettre fin à la crise, les divisions étant profondes entre les deux camps sur leur vision de la société égyptienne de l’après-Hosni Moubarak. Mohamed El Baradei, le chef du Front national du salut (FSN), principale coalition de l’opposition, a estimé que «le pays est au bord de la faillite».
Le mufti d’Egypte Ali Gomaa, l’une des plus hautes autorités musulmanes du pays, a de son côté demandé à toutes les forces politiques d’ «accepter les résultats du référendum (…) et de placer l’intérêt de l’Egypte au-dessus de toutes les considérations partisanes». Ce référendum se tient dans un contexte de grave crise économique, et les incertitudes politiques ont déjà provoqué l’ajournement d’une demande de prêt de 4,8 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI).