Pourquoi, plus de 50 ans après l’indépendance et avec une demande potentielle sur le balnéaire de plus de 800 000 touristes par an, on n’arrive pas à faire tourner à plein régime le peu d’hôtels qui existent sur notre côte ? Les prix pratiqués par l’hôtellerie algérienne sont-ils aussi chers que la concurrence, notamment tunisienne ? Le problème semble être ailleurs.
Incroyable mais vrai ! Même amputée des 30 jours du mois de Ramadhan, en ce début de la deuxième quinzaine du mois d’août, la saison estivale est loin de sourire aux hôtels de la côte algérienne. Malgré le semblant de grand rush sur les plages et le discours officiel sur le grand déficit en lits d’hôtels de vacances, force est de constater que la majorité des établissements hôteliers du littoral peinent à afficher complet.
Au centre du pays, la note de la conjoncture n’est pas au vert. Sollicité, vendredi 15 août, par téléphone pour une éventuelle réservation, le réceptionniste du Saphir Mazafran nous proposa une chambre à partir du lendemain, soit samedi 16 août, avec un prix moyen par nuitée en occupation double de 6 000 DA TTC, soit près de 60 euros. Sur la même corniche ouest d’Alger, la même disponibilité nous est proposée par le réceptionniste de la Turquoise, un hôtel en plein centre de Tipasa, pour un prix moyen de 4 000 DA TTC par nuitée en occupation double, petit-déjeuner y compris.
A l’est du pays, si les hôtels que nous avons ciblés ne disposent pas de chambres libres de suite, nous sommes loin du cas d’école des surbookings de saison. En effet, au niveau du complexe les Hammadites, à Tichy, la première disponibilité est pour le 24 août pour un prix moyen de 4 300 DA TTC, 43 euros, par nuitée en occupation double, petit-déjeuner compris.
A 100 km plus à l’est, à Jijel, même l’hôtel de référence qu’est El Djazira propose des disponibilités à partir du 18 août, soit ce lundi, pour un prix moyen de 3 500 DA TTC, 35 euros, par nuitée en occupation double, petit-déjeuner compris. Encore plus à l’est, à Skikda, l’hôtel Bougaroun de Collo, offre des disponibilités à partir du vendredi 22 août, pour un prix moyen en TTC et par nuitée en occupation double, petit- déjeuner compris, de 3 000 DA (30 euros). Le seul bémol vient de l’ouest du pays. Dans l’imaginaire des Algériens, les Andalouses, situé sur la corniche oranaise, à quelques encablures de Aïn Turck, reste le complexe balnéaire le plus important de la région ouest du pays.
Les bungalows et les chambres de cette EGT sont complets jusqu’au début septembre selon le réceptionniste que nous avons sollicité en fin de semaine pour une éventuelle réservation. Ici, le prix moyen d’une nuitée en occupation double, petit- déjeuner compris, pour une personne, est de 3000 DA toutes taxes comprises, soit 30 euros. La veille de la réalisation de ce dossier, nous étions loin de penser arriver à ce constat. Tous les indicateurs prévoyaient des situations de surbooking. Hélas, sauf conditions climatiques exceptionnelles, la saison estivale 2014 ne va durer que l’espace de 25 jours.
Comparaison avec les voisins tunisiens Les prix pratiqués par les hôteliers algériens ne peuvent à eux seuls expliquer cette mévente. Tenter une comparaison avec le voisin tunisien semble “osée” comme démarche mais indispensable pour éliminer certaines idées reçues. Pour la Tunisie, un séjour en demipension dans une résidence à Hammamet, la Villanoria Yasmine à titre d’exemple, est commercialisé en cette période à plus 8 000 DA, soit 80 euros.
Une nuitée dans un 3 étoiles, le Méditerranéen à titre d’exemple, est cédée en occupation double et en demi-pension à 8 200 DA, soit près de 82 euros. Ce sont ici, les plus bas prix sur la place soit au moins 30% de plus que l’offre nationale. Avec cette comparaison, il ressort que ce ne sont pas les prix des hôtels algériens qui sont chers, mais le rapport qualité/prix et le manque de lisibilité en matière de politique touristique qui font défaut.
Puisque nous l’avons fait une première fois, osons une seconde fois et comparons nos prix avec ceux des deux étoiles de Marseille ou même de Nice, en France. Ici, la chambre la moins chère est cédée à 45 euros sans TV, ni mini-bar, et avec salle de bains… collective. Une chambre de qualité n’est cédée qu’à partir de 85 euros. Une autre preuve qui indique que le fait de focaliser le débat sur le prix est la meilleure garantie pour faire fausse route. S’il y a un secteur d’activité qui ne sied pas au populisme et à ses slogans c’est bien le tourisme car c’est une industrie de gestion des détails par excellence.
Le prix n’est qu’un élément du mix marketing et ne peut à lui seul déclencher l’acte d’achat. Il y a la question de la gestion de nos villes qui croulent sous les ordures, il y a cette sensation d’insécurité que dégagent nos plages et autres fronts de mer, comme il y a le non-professionnalisme de nos hôteliers et agents de tourisme, incapables d’inscrire la tarification dans la stratégie de leurs établissements. Le tourisme est une affaire de professionnels, donc de formation, mais aussi un phénomène marqué par transversalité avec une chaîne de valeur que seule la gestion du détail, loin du populisme peut maîtriser.
M. K.