Les citoyens sont dans l’expectative. Le Ramadhan est dans moins de trois semaines.
Le gouvernement vient de supprimer les crédits à la consommation.
Trop pour un simple travailleur au pouvoir d’achat limité. Loin des milieux des spécialistes en économie, des banquiers et des concessionnaires, L’Expression a donné la parole aux citoyens, à travers un micro-trottoir, pour sonder leurs réactions sur une décision qui fait couler beaucoup d’encre.
Irréfléchie, absurde. Tels sont les qualificatifs qu’attribuent nombre de citoyens à la décision supprimant le droit aux banques d’octroyer un crédit de consommation à leurs clients.
Les commentaires sont nombreux et les «analyses» sont diverses.
Les personnes interviewées sont issues de la classe défavorisée et de la classe moyenne.
Rencontré à l’hôpital Parnet d’Hussein Dey, O.Abid, 34 ans, médecin, déclare : «Que voulez-vous que je vous dise ? L’Etat ne cesse de nous surprendre par ses décisions. Franchement, je ne comprends pas en quoi un crédit automobile qui concerne directement les citoyens et les banques et à un degré moindre les concessionnaires automobiles, dérange le gouvernement».
Et pour justifier ses propos, le médecin soulignera : «Comment font les Occidentaux dans ce cas ? L’Algérie n’est pas, à ma connaissance, le seul pays au monde qui a procédé à ce genre de crédit. Toutes les capitales européennes mettent en place les mécanismes qui peuvent faciliter la vie à leurs citoyens, alors que chez nous, le gouvernement tend à compliquer la vie aux citoyens. Il suffit juste de regarder le pouvoir d’achat qui se dégrade de plus en plus. Il est urgent dans cette situation d’améliorer les conditions de vie des Algériens. L’Etat doit mettre la main à la poche».
Sur la même lancée, Nabila Sami, 29 ans, infirmière, affirmera : «Franchement, nos responsables cherchent à nous pourrir l’existence. Avec un « salaire minable » je ne pourrai jamais m’offrir un véhicule ou meubler une maison» avant de nous faire la confidence : «Avec mon fiancé, on comptait constituer deux dossiers, le premier pour un crédit afin de meubler notre maison et le second pour l’achat d’une voiture. Et voilà que tout s’évapore, y compris notre mariage que nous avons programmé pour le printemps prochain».
Aussi pour faire face à toutes les dépenses et éventuellement ne pas remettre en cause son mariage, Nabila préconise une revalorisation du salaire.
Le même raisonnement est tenu par Amrane, 27 ans, enseignant au lycée : «Sans qualifier d’irréfléchie cette décision, je dirais: un salarié peut-il se permettre une voiture ?».
Quant aux arguments avancés par les responsables pour justifier cette mesure, Amrane dira : «Tout le monde est conscient, y compris nos responsables, qu’un logement n’est pas à la portée de tous aujourd’hui en Algérie. Car le problème ne réside pas seulement dans le financement du logement, mais aussi dans sa disponibilité».
Développant son analyse, Amrane rappellera que «lors de l’introduction de la taxe automobile, l’année passée, le gouvernement soutenait que les frais de cette taxe seront utilisés pour améliorer les infrastructures et les moyens de transport public. Et maintenant ? Va-t-on financer les tickets du métro et du tramway après la suspension du crédit automobile, puisqu’il n’y a aura plus de taxe ?».
Quant à Bachir, la quarantaine, simple ouvrier, le problème ne se pose même pas.
«Moi je n’ai pas les moyens d’acheter une voiture même par facilités. Je demande tout simplement que notre gouvernement nous améliore le transport en commun».
Cependant cette mesure ne suscite pas l’opposition. En effet, Mahmoud, 48 ans, chauffeur de taxi, approuve la décision.
«C’est une question qui ne m’intéresse ni de près ni de loin. Moi je travaille depuis cinq ans comme taxi clandestin. Peut-être que ça va m’arranger un peu. Il y aura moins de véhicules dans l’avenir et cela contribuera à la fluidité des routes».
A chacun ses ambitions, à chacun ses arguments, même si toute relance économique dépend de la consommation.