Superettes, restaurants et taxiphones, Les refuges des cambistes informels

Superettes, restaurants et taxiphones, Les refuges des cambistes informels

Il est difficile de comprendre ce qui a amené le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, à livrer dernièrement, en petits mots, ce qu’il pensait du marché informel de devises, disant qu’il est «salutaire». Pourtant, le marché noir de devises a été au centre de plusieurs scandales au cours des cinq dernières années.

Un lieu de change de devises illégal où les grands cambistes ont fait fortune, achetant des biens de luxe au pays et à l’étranger. Un lieu où de grosses affaires de blanchiment d’argent ont été traitées et diligentées par les services de sécurité. Il faut remonter dans le temps pour bien comprendre la situation.

En mars 2011, les gendarmes de la Section de recherches d’Alger avaient mené une série d’assauts sur les marchés noirs de devises, à Sidi Yahia (Hydra), Salembier et Birkhadem. Avant cela, les gendarmes avaient mené une filature au niveau des trois marchés noirs pour avoir plus de renseignements sur l’identité des grands cambistes, sur leurs opérations illégales, et surtout sur les affaires de blanchiment d’argent dans lesquelles les ils sont impliqués.

Les lieux ciblés sont un restaurant sis à Salembier, une luxueuse superette à Sidi Yahia et un petit commerce à Birkhadem. Trois lieux discrets ne semblant pas être des lieux de change illégal de devises.

C’est pourtant là que de grands cambistes sévissent avec leurs grosses sommes de devises qui seront changées en toute illégalité et, le plus intriguant, ces sommes faramineuses d’argent partent vers l’étranger, alors que des miettes finissent dans les poches des particuliers.

Face à cette situation, il fallait agir au plus vite. Au cours de leurs enquêtes, les gendarmes de Bab Djedid ont procédé à l’arrestation de plusieurs cambistes qui ont été relâchés.

Sur ce plan, il est important de rappeler que la justice n’a pas procédé à la saisie des biens appartenant à de grands cambistes résidant à Alger et ailleurs, et ce, dans le cadre des affaires de blanchiment d’argent élucidées l’année passée par les gendarmes de la brigade de recherches de la section d’Alger, rapporte une source judiciaire.

C’est le cas des trois frères de Sidi Yahia et du tristement célèbre «M.J» et son frère qui possède une immense fortune provenant de la vente illégale de grosses sommes en devises et en monnaie locale.

Selon notre source, quatre boutiques de luxe sises à Sidi Yahia et trois villas haut standing situées respectivement dans le quartier luxueux de Bir Mourad Raïs et à Draria, appartenant aux trois frères, devaient faire l’objet d’enquêtes approfondies, selon la loi. Cependant, ces biens appartenant à ces cambistes sont toujours en activité, voilà qui mérite une explication.

De leur côté, les biens des deux frères possédant un restaurant à Salembier, B.M. et B.T., le dernier très connu par les cambistes algérois sous le nom de «M.J» sont toujours ouverts ; pourtant, de grosses sommes de devises ont été découvertes dans ces lieux lors d’une opération coup-de-poing lancée par la Section de recherches d’Alger. Au total, trois locaux sis à Meissonnier, Bir Mourad Raïs et Draria ont été signalés.

Ce n’est pas tout. Les deux frères possèdent également une boutique à El Milia (Jijel) et un appartement haut standing au quartier Les Sources à Bir Mourad Raïs, qui n’ont jamais fait l’objet d’une mesure judiciaire. Ce nombre important de biens non «saisis» par la justice n’est que la vitrine dans cette affaire, d’autant que ces grands cambistes possèdent également des comptes bancaires en Algérie et à l’étranger.

Concernant cet aspect, les gendarmes ont poursuivi leur enquête dont les résultats ont révélé que les cambistes possèdent des sociétés en France. Ils ont même investi dans le secteur de l’immobilier pour gonfler leurs revenus. Certes, il faut souligner que plusieurs milliards en monnaie locale et étrangère ont été récupérés par les forces de sécurité.

OULD KABLIA-DJOUDI, DEUX POINTS DE VUE CONTRADICTOIRES

Comment peut-on expliquer les récentes déclarations de Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, sur ce qu’on appelle les marchés parallèles de devises qui, selon lui, sont «salutaires» ? C’est grâce à ces marchés informel que «les citoyens trouvent leur compte», déclare le ministre. Parallèlement à ces déclarations, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a tout simplement, contredit Daho Ould Kablia.

Il s’est montré plus ferme, logique et plus déterminé à combattre ces marchés de vente illégale de devises. Le ministre des Finances arétorqué : «Le gouvernement va combattre le marché informel de la devise». Cette déclaration a été faite lors de la séance plénière en réponse aux députés à propos de la loi de finances 2013.

Toujours selon Djoudi : «La loi ne permet pas l’existence d’un marché parallèle de la devise», justifiant cela par le fait que «dans l’économie, il existe un marché officiel, il n’y a pas de place pour le marché noir». Ainsi, les déclarations de Karim Djoudi contredisent celles de Daho Ould Kablia. Deux points de vue différents de deux ministres du gouvernement. Pourtant les choses sont claires. Tout le monde sait que les marchés parallèles de devises sont des lieux où l’on vend de la devise sans autorisation.

Des lieux où de grosses affaires de blanchiment d’argent, de transferts illégaux d’argent ont été enregistrées au cours de ces dix dernières années. Des lieux également où de gros barons de la devise noire ont été arrêtés dans le cadre de plusieurs enquêtes menées par les services de sécurité.

Sofiane Abi.