Les proches de Myriam Sakhri, d’origine algérienne, poursuivent inlassablement leur quête de justice, quatorze ans après le décès troublant de la gendarme à Lyon. Aujourd’hui, la famille conteste la thèse du suicide, réclamant des mises en examen pour le harcèlement et le racisme que Myriam avait dénoncés avant sa mort.
Le 24 septembre 2011, la caserne Delfosse de Lyon est le théâtre d’une découverte macabre. Dans un logement de fonction, Myriam Sakhri, âgée alors de 32 ans, est retrouvée inanimée : un impact de balle de 9 mm à l’abdomen, et son arme de service gisait à ses pieds.
Deux enquêtes internes ont été menées par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale en France (IGGN) : l’une pour harcèlement et discrimination, l’autre pour déterminer les causes de la mort. Ces deux investigations ont été classées sans suite en seulement six mois.
La sous-officier avait, avant son geste fatal, laissé une lettre incriminant directement l’un de ses supérieurs hiérarchiques. Ces dénonciations du comportement de ses collègues et de sa hiérarchie étaient d’ailleurs récurrentes de la part de la militaire.
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Justice à rebours : enquête et blocages
Si les autorités françaises ont rapidement statué « un suicide motivé par des raisons personnelles« , le dossier est loin d’être clos pour la famille de la victime. Pour les proches de la gendarme, cette conclusion hâtive laisse beaucoup de zones d’ombre et de questions sans réponse, exigeant une réouverture d’enquête pour éclairer la vérité.
Face au rapport de l’IGGN jugé partiel, concluant à un « suicide pour des raisons personnelles« , la famille Sakhri a immédiatement riposté sur le plan légal. Dès 2012, elle a porté plainte pour défaut d’impartialité et des lacunes dans l’enquête, exigeant une nouvelle instruction.
La suspicion de la famille est alimentée par les conditions de l’enquête : Des gendarmes ont été interrogés uniquement au niveau de la caserne en question. Comme l’explique la sœur de la victime, Hassina Sakhri, ce mode opératoire est aberrant : « la gendarmerie qui enquête sur la gendarmerie, c’est stupide en fait. Comment en France, on peut accepter ça ?« .
Malgré un tunnel judiciaire marqué par un non-lieu en 2013, puis des confirmations en appel et en cassation, cette série d’échecs n’a fait que renforcer la détermination de la famille de la victime à obtenir justice.
M. @EmmanuelMacron,
En 2011, la gendarme Myriam Sakhri est retrouvée morte, alors qu’elle s’apprêtait à porter plainte contre sa hiérarchie pour #harcèlement.
Suicide pour la justice, injustice pour sa petite soeur qui a ce message pour vous.#vérité #myriamsakhri #gendarmerie… pic.twitter.com/FG8o2MtgCo— Rémi Gaillard (@nqtv) September 11, 2023
Le tournant des nouveaux témoignages
En 2021, l’affaire connaît un tournant décisif grâce à l’intervention de Zineb Harzallah, juriste et amie de la famille. Forte de sa pugnacité, elle a méthodiquement obtenu des dizaines de rendez-vous avec la gendarmerie et anciens gendarmes. En effet, ces rencontres ont permis de recueillir des témoignages explosifs qui décrivent un climat toxique de racisme et de harcèlement au CORG, le centre d’appel où Myriam Sakhri était affectée.
Ces auditions inédites et ces nouveaux éléments ont contraint la justice française à ouvrir une information judiciaire pour « harcèlement » et « homicide involontaire« . Parallèlement, des voix internes, dont celle du premier directeur d’enquête, ont publiquement soulevé des doutes sérieux sur l’impartialité des investigations initiales et dénoncé des dysfonctionnements majeurs.
Ces révélations dressent le portrait d’une gendarme perçue comme « une bête noire« en raison de ses dénonciations répétées d’actes racistes et machistes. Malgré l’accumulation de preuves et le travail acharné de Zineb Harzallah, le processus judiciaire piétine.
Finalement, quatorze ans après les faits, la Chambre de l’instruction a tenu une audience le 9 octobre pour examiner les arguments de l’avocat de la famille, fondés sur ces nouveaux témoignages. La décision — non-lieu, supplément d’information ou demande de mise en examen — est attendue le 4 décembre 2025.
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