Subventions: Un modèle à réinventer

Subventions: Un modèle à réinventer

La conjoncture économique caractérisée par une baisse de la rente pétrolière a mis à nu le système de subventions adopté au nom de l’Etat social. Face à des transferts sociaux colossaux et à une distribution pas toujours efficace des subventions, le gouvernement est aujourd’hui contraint d’abandonner ce modèle. Il peine néanmoins à en inventer un nouveau qui puisse garantir l’accès des personnes les plus vulnérables à des produits et services de première nécessité.

Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Le sujet est des plus sensibles. Il est traité en tant que tel par un gouvernement qui tente, à chaque fois, de trouver les mots qui choqueront le moins l’opinion publique. A chaque fois que les ministres en charge du dossier des subventions l’évoquent, ils se livrent à un jeu d’équilibriste pas toujours évident. Que veut faire le gouvernement en la matière ? Le constat est établi depuis longtemps : les sommes colossales qui sont injectées dans le système de subventions ne profitent pas qu’aux personnes qui sont dans le besoin.

En clair, si la baguette doit coûter 7,5 dinars et que le sachet de lait doit être vendu à 25 dinars, c’est l’ensemble des consommateurs qui paient ce même prix. C’est le cas également pour l’électricité et le gaz. Et c’est justement à ce niveau que veut intervenir le gouvernement. Il voudrait que ces aides ne profitent qu’aux personnes ayant réellement besoin d’aide. Comment faire ? C’est justement à ce niveau que la réflexion est menée. Dans un premier temps, une telle démarche nécessite de faire un listing des personnes dans le besoin. Il s’agira de déterminer les critères en fonction des revenus. Il s’agira, par la suite, de trouver la formule idéale devant permettre aux personnes recensées de profiter de ces aides.

Le gouvernement n’envisage pas de leur octroyer des cartes de nécessiteux. Cela rappellerait trop le fameux «bon» de l’époque coloniale et stigmatiserait systématiquement les personnes concernées. La réflexion s’oriente donc vers l’octroi d’aides directes aux personnes considérées comme nécessitant un soutien. Elles recevront directement le montant qui sera fixé.

Seconde étape, la levée de toutes les subventions. Le lait, le pain, l’électricité et le gaz à titre d’exemple seront commercialisés à leurs prix «réels».

Sur papier, le projet paraît simple. Dans les faits, il reste tributaire de plusieurs paramètres dont le contexte politique. Ce n’est certainement pas à la veille d’une conjoncture électorale que le gouvernement se lancera dans un projet qui sera certainement jugé antisocial. Il attendra une conjoncture moins sensible pour le faire.

En attendant, le ministre des Finances prépare le terrain prudemment. Il ne rate pas l’occasion de rappeler que le soutien de l’Etat aux ménages sur la période 2012-2016, représente une part de plus en plus élevée avoisinant 27% du PIB en moyenne. Les transferts sociaux ont atteint 1 625 milliards de dinars en 2017 contre 1 239 milliards de dinars en 2010. Ce montant a été porté à 1 760 milliards de dinars durant l’exercice 2018, en hausse de près de 8% par rapport à 2017.

Le ministre des Finances rappelle également que l’analyse de la structure des subventions a montré que les subventions profitent plus aux catégories les plus nanties qu’aux catégories de bas revenus. Il ajoute que le mécanisme généralisé de subventions, outre son coût excessif pour la collectivité, ne répond plus aux objectifs de réduction des inégalités. Ces arguments, dit-il, plaident pour une réforme du système de soutien des prix.

Cette réforme pourrait concerner, dans un premier temps, les produits énergétiques qui absorbent 60% des ressources consacrées par les pouvoirs publics aux subventions. Il s’agit là d’un projet qui, même dicté par l’urgence économique, souffre des apesanteurs du politique.

N. I.