Subventions et transferts sociaux: Pourquoi l’Exécutif ne fait que repousser la réforme

Subventions et transferts sociaux: Pourquoi l’Exécutif ne fait que repousser la réforme

Le FMI avait prévu dans sa dernière note de conjoncture que les autorités du pays allaient revenir à la politique d’assainissement des finances publiques dès 2019. Probablement dès que les affaires de succession auront

été réglées.

L’année 2019 doit être l’année des choix complexes. Mais le gouvernement ne fait montre d’aucune prédisposition à enclencher les transformations de fond tant attendues. En témoignent les propos tenus, hier, par le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, pariant sur la résilience de l’économie algérienne face au choc externe, dont les conséquences sur les positions financières internes et externes font avaler des poires d’angoisse et rappellent plus que jamais les vieux démons du début des années 1990. Le FMI avait prévu dans sa dernière note de conjoncture que les autorités du pays allaient revenir à la politique d’assainissement des finances publiques dès 2019.

Probablement dès que les affaires de succession auront été réglées. Au-delà de 2019, le gouvernement ne pourrait plus repousser à plus tard certains chantiers de réforme, dont la remise en cause du système des subventions généralisées et les transferts sociaux qui grèvent la trésorerie publique. Sur ce dossier, le gouvernement a revu à la baisse maintes fois ses ambitions en matière de réforme, bien que, dans le fond comme dans la forme, un coup de rabot ne soit point synonyme d’un renoncement à l’action sociale de l’État, surtout lorsqu’on sait que certaines subventions sont antiéconomiques.

Le cas du soutien aux prix des carburants et au logement social en est un exemple édifiant. Le trafic de carburants aux frontières et la compensation du différentiel entre le prix de revient et le prix de vente par le Trésor est une véritable saignée. Alors que l’actuelle politique en matière d’habitat, axée essentiellement sur la cession au dinar symbolique des logements sociaux, ne fait qu’alimenter le marché spéculatif et les trafics. Dans cette affaire des subventions généralisées, il y a encore à boire et à manger, car, certaines d’entre elles, s’apparentent à de véritables cas de détournement, dont le soutien aux prix des céréales et de la poudre de lait, importées par l’État et revendues à des prix préférentiels aux transformateurs, lesquels n’hésitent pas à acheminer leurs produits finis à destinations des pays voisins au nom de l’exportation.

Il se trouve que l’État ne subventionne pas uniquement les produits alimentaires tant au bénéfice des Algériens qu’au profit des voisins, mais soutient aussi les prix de l’énergie, laquelle est transformée en engrais et autres produits que certains opérateurs n’hésitent pas à exporter, non parce que l’affaire est rentable mais pour être dans l’air du temps. L’État, plutôt que de remettre en cause ses politiques destructrices de richesses, s’est mis depuis 2011 à subventionner le sucre, dont certains opérateurs ont fait un tremplin aux affaires, et, depuis peu, à subventionner également les véhicules dits “made in Algérie” au moyen d’artifices fiscaux pour le moins contreproductifs. Le retour sur investissement tant attendu, à la fois au plan technologique qu’en matière d’économie, laisse à désirer.

L’action sociale de l’État ne saura expliquer ces écarts de gestion, voire ces décisions qui, plutôt que d’aider un quelconque sursaut économique, favorisent le trafic, le détournement et les comportements frauduleux. C’est dire toute la difficulté de remettre en cause une politique qui alimente à la fois le gaspillage, le trafic et la clientèle du régime politique. La réforme des subventions et des transferts sociaux n’est pas seulement une histoire anodine liée au sachet de lait, à la semoule et au carburant, mais elle va bien au-delà des quelques milliards de dinars que cède l’État annuellement aux populations. D’où le défaut de volonté politique à même de faire table rase de toutes les décisions anti-économiques et anti-productives prises au nom de l’action sociale de l’État.

Ali Titouche