Le ministre du Commerce
Pourquoi M. Benbada s’attaque-t-il à ce dossier hautement sensible en ce moment précis? D’autant plus que c’est dans un contexte fragile justement que le ministre du Commerce relance le sujet le plus sensible pour les Algériens.
Le ministre du Commerce Mustapha Benbada, a-t-il ficelé tous les autres dossiers relatifs à son secteur pour se consacrer à celui des subventions? «Une commission de réflexion a été installée récemment pour examiner les moyens de rationaliser les subventions de l’Etat pour les produits alimentaires de base, notamment le lait et les céréales». C’est du moins ce qu’il a indiqué, lundi dernier, lors d’un colloque consacré à la sécurité alimentaire, organisé par le Forum des chefs d’entreprise (FCE). Cette annonce, qui intervient dans un contexte social fragile, risque de mettre le feu aux poudres. Pourquoi M.Benbada s’attaque-t-il à ce dossier hautement sensible en ce moment précis? Rappelons-nous des émeutes de l’huile et du sucre de janvier 2011 qui ont failli faire basculer le pays dans le chaos en plein printemps arabe.
C’est dans ce contexte fragile justement que le ministre du Commerce relance le sujet le plus sensible pour les Algériens comme si les préoccupations du ministre du Commerce sont les subventions. Il annonce que cette commission, qui est installée au niveau du ministère des Finances, il y a une semaine, commence déjà à réfléchir sur les moyens de rationaliser les systèmes de soutien aux produits de base souligne le ministre. Parmi les facteurs qu’aura à étudier cette commission, Benbada citera l’instabilité des marchés mondiaux des matières premières, en raison notamment des changements climatiques, nécessitant une politique de régulation rigoureuse. Il s’agit aussi de se pencher sur le mode de consommation des Algériens concernant ces produits subventionnés étant donné que leur consommation, notamment le lait et les céréales, a fortement augmenté ces dix dernières années. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, les Algériens consomment actuellement 247 kg par an de céréales contre 130 à 140 kg dans les pays voisins. Pour le lait, la consommation annuelle par habitant est estimée à 147 litres, alors que l’OMS exige un seuil minimal de 90 litres.
Le ministre indique que «la subvention accordée au lait et aux céréales représentait 80% du total du soutien de l’Etat à tout le groupe alimentaire qui compte aussi le sucre et l’huile». Il dévoile que «nous devons nous atteler à étudier ce dossier afin de trouver des alternatives et alléger le budget consacré à ce soutien». Interrogé sur la possibilité de réduire cette subvention, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, a indiqué que la question de la réduction n’était pas à l’ordre du jour et que «le soutien de l’Etat aux produits alimentaires ne représentait que 1,1% du PIB, donc ce ne sont pas des sommes faramineuses». «Par contre, il faudrait que la mécanique mise en place aide la production nationale et ne contrarie pas son développement. Donc il y a un travail technique et de méthodologie à mettre en place de manière à assurer l’approvisionnement de notre industrie et de nos marchés», a-t-il ajouté. Le ministère des Finances a entamé deux réflexions sur les subventions des produits de base et sur les salaires, deux postes budgétaires représentant des dépenses très importantes dans le budget de l’Etat, a indiqué un cadre au même ministère. «Il y a une réflexion sur le ciblage de la subvention des produits de base pour réaliser des gains, car actuellement tout le monde, y compris les grosses fortunes, en profite, et une autre sur les salaires», a souligné Ferhane Sidi Mohamed, directeur général de la prévision et des politiques. Quant au changement à apporter à la subvention du pain, le même responsable a affirmé que l’étude engagée par le ministère du Commerce n’a pas encore été transmise au ministère des Finances pour statuer définitivement.
Or, la subvention des produits de large consommation est une prérogative qui dépasse de loin le ministère du Commerce, voire même celui des Finances. Si on touche à ces produits indispensables, l’explosion sociale est garantie. Ce n’est certainement pas ce que cherche M.Benbada.