Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, arrêté samedi à l’aéroport JFK de New York, placé en garde à vue et inculpé «d’agression sexuelle et tentative de viol», s’est-il «suicidé» politiquement et a-t-il signé sa mort subite politique ?
Tout en préservant sa présomption d’innocence, il n’en reste pas moins qu’un coup fatal a été porté à celui qui faisait figure de favori dans la course à la présidentielle française.
D’autant que selon la relation des faits, il est difficile de croire à la thèse de la manipulation, au profit de qui d’ailleurs ? Puisque le patron du FMI –pour combien de temps encore ? – a quitté précipitamment le lieu de la forfaiture présumée, un hôtel new yorkais haut de gamme, oubliant son portable et des affaires personnels.
De fait, l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn, a sonné comme un coup de tonnerre dans la ciel politique français et abasourdi, ses amis voire ses ennemis politiques à l’exception, bien évidemment de Marine le Pen, qui voit s’écrouler un adversaire qui pouvait l’empêcher de figurer au second tour de l’élection présidentielle française. DSK, par la voix de son avocat américain, a nié les accusations de la femme de ménage qu’il aurait tenté de violer et aurait décidé de plaider non coupable.
À 62 ans, cet ancien avocat d’affaires, économiste reconnu et réputé grand séducteur, représentait potentiellement le plus grand danger pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle d’avril et mai 2012, même si les deux hommes n’ont pas officiellement annoncé leur candidature.
Même si en son fort intérieur, il doit secrètement se réjouir de la grosse tuile qui tombe sur la tête de son plus dangereux rival, Sarkozy a demandé aux membres de son gouvernement de respecter la «présomption d’innocence», et de s’abstenir de commentaires.
À gauche, c’est la consternation pour Martine Aubry, c’est un «coup de tonnerre ». « Je suis moi-même, comme tout le monde, totalement stupéfaite», a déclaré la dirigeante socialiste en demandant «aux socialistes de rester unis et responsables».
C’est une «terrible nouvelle», a réagi son prédécesseur Français Hollande, jugeant qu’il était «trop tôt» pour tirer les conséquences de cette affaire sur la campagne, alors que Strauss-Kahn était donné d’avance gagnant de la primaire prévue en octobre pour désigner le candidat du PS à la présidentielle.
Sa probable non-candidature change le jeu au sein du parti, laissant la place belle à ses deux principaux rivaux: François Hollande, valeur montante du PS déjà en lice, et Martine Aubry, qui se prépare à être candidate.
«Je ne pense pas, sauf si on découvrait quelque manipulation dans cette affaire, qu’il soit candidat aux élections présidentielles. Donc les choses vont changer, on va avoir une candidature de Martine Aubry contre François Hollande», a estimé hier matin Jacques Attali, ancien conseiller influent de l’ancien président François Mitterrand.
L’affaiblissement de DSK va surtout profiter au camp du pouvoir et remet à plat la donne présidentielle alors que toutes les récentes enquêtes d’opinion donnaient DSK gagnant face à Nicolas Sarkozy, qui devrait se représenter en dépit d’une cote de popularité au plus bas. Certains à droite, au centre et à l’extrême droite n’hésitaient pas à déclarer Strauss-Kahn hors jeu pour 2012.
C’est un «homme peu recommandable », «totalement déconsidéré», cette affaire est «très humiliante pour notre pays», a réagi le député du parti au pouvoir UMP, Bernard Debré. Il est «définitivement discrédité comme candidat à la plus haute fonction de l’État», a estimé la présidente du Front National Marine Le Pen.
«Tout cela est confondant, navrant et infiniment troublant», a commenté le centriste François Bayrou, arrivé en 3e position à la dernière présidentielle et vraisemblable candidat à la prochaine, évoquant les conséquences pour l’homme, son parti et «l’image de la France dans le monde».
Depuis 2008 et une liaison extraconjugale de Dominique Strauss-Kahn avec une ex-responsable du département Afrique du FMI, Piroska Nagy, la droite laisse entendre que le côté séducteur du patron du Fonds est son talon d’Achille.
L’institution financière avait alors commandé une enquête pour abus de pouvoir sur DSK avant de le blanchir, mais elle lui avait reproché une «grave erreur de jugement». Dominique Strauss- Kahn était déjà la cible de vives critiques d’une partie des médias français qui ont épinglé son train de vie somptueux dans une France en crise.
Mokhtar Bendib