Stoichkov «Mbolhi, ce n’est pas une surprise pour moi»

Stoichkov «Mbolhi, ce n’est pas une surprise pour moi»
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Lorsque nous avons rencontré l’ex-star mondiale du FC Barcelone et de la sélection bulgare, Hristo Stoichkov, près du centre de presse du Soccer City Stadium, il a accepté très facilement de nous parler dès lors qu’il s’est souvenu de nous et de l’entretien qu’il nous avait accordé lors de son passage en Algérie voilà quatre ans de cela.

– M. Stoichkov, est-ce que vous vous rappelez de moi, vous m’avez accordé une interview lors de votre visite en 2006 en Algérie à l’occasion d’un colloque sur la désertification que vous avez animé ?

– Oui, ça me revient puisque c’est la seule interview que j’ai accordée, en plus en espagnol. Comment allez-vous ?

– Ça peut aller, merci. Que retenez-vous de votre passage en Algérie ?

LG Algérie

– Que de bonnes choses. C’était vraiment un séjour inoubliable pour moi. Ce n’était certes pas dans le cadre sportif, car c’était un colloque sur l’environnement, mais j’étais très touché par l’accueil qui m’a été réservé à Alger, notamment par monsieur le ministre de l’Environnement de l’époque (il réfléchit), zut, j’ai oublié son nom.

– Chérif Rahmani…

Exactement. M. Rahmani. Je vous prie de lui transmettre mes salutations. C’est vraiment quelqu’un de bien et sympathique.

– Quand comptez-vous retourner en Algérie, mais dans un cadre plutôt footballistique ?

– Je promets de revenir un jour. Mais ça ne sera pas dans si peu de temps. Car, je voyage beaucoup ces derniers temps, en plus je suis retenu par des obligations professionnelles, notamment ici, en Afrique du Sud. En tout cas, je retournerai en Algérie tôt ou tard, parce que j’y tiens beaucoup. Je ne suis resté la première fois qu’une semaine, j’ai eu à peine le temps d’apprécier ce très beau pays.

– L’Algérie est une terre de football, n’est-ce pas ?

– Ah oui, les gens respirent le football là-bas. Mais ça ne date pas d’hier, depuis très longtemps, l’Algérie a toujours été un grand pays de football.

– Et que pensez-vous de notre EN ?

– C’est une bonne équipe, très accrocheuse avec un grand entraîneur qui connaît bien son boulot. Elle a la chance de posséder un grand gardien de but qui joue chez nous en Bulgarie.

– Ah oui, c’est vrai, Mbolhi joue au Slavia Sofia…

– Et c’est le meilleur gardien du championnat bulgare. Il est fort, le gars. Je pense que l’Algérie possède de très bons joueurs avec beaucoup de caractère. Ils l’ont montré déjà lors des éliminatoires de ce Mondial face à l’Egypte.

– Vous avez suivi donc ces confrontations contre l’Egypte ?

– Oui, c’était de grands matches qui ont attiré l’attention du monde entier. Mais l’Algérie a eu plus de mérite de passer contre une très forte équipe de l’Egypte parce qu’elle a fait preuve d’une rage de vaincre étonnante.

J’ai beaucoup apprécié sa réaction lors du match d’appui qui s’est joué au Soudan. Elle a répondu sur le terrain par rapport aux incidents du Caire, même si je pense que la chance a été, à certains moments de la partie, de son côté.

– Algérie-Egypte est un vrai Clasico en Afrique du Nord…

– Oui, c’est une affiche très spectaculaire, exactement ce que les gens aiment voir dans un match de football, à savoir beaucoup d’intensité.

– Un peu comme Barça-Real en Espagne, non ?

– Pourquoi pas. Puisque ces confrontations donnent toujours lieu à de grands débats sur le terrain.

– Revenons au Mondial sud-africain. L’Algérie a réussi de belles prestations, notamment face à l’Angleterre et même dans le dernier match face aux Etats-Unis. Pour tous les observateurs, si l’Algérie n’a pas réussi à se qualifier aux huitièmes de finale, c’est parce que tout simplement elle a manqué d’un véritable buteur. Les rejoignez-vous sur cette idée ?

– Ça va de soi. Vous avez beau jouer bien et perdre à la fin faute de concrétiser vos actions. A mon avis, l’Algérie doit penser à l’avenir à produire cette race d’attaquants en se basant sur la formation des jeunes, et non pas aller les chercher en Europe.

Un vrai buteur ne tombe pas du ciel. Il faudra le dénicher parmi les milliers de jeunes qui se trouvent dans les clubs algériens et faire travailler son talent. L’Algérie a toujours eu de grands attaquants, et si je ne me trompe pas, ils sont tous de fabrication locale. Elle peut encore en produire. Il suffit juste de prospecter au niveau des jeunes catégories pour assurer à l’équipe nationale les attaquants de demain.

– Roger Milla pense que si l’Algérie avait un attaquant comme Madjer, elle aurait fait mal…

– Des Madjer, ça doit exister en Algérie, il faut juste aller les trouver et les préparer pour demain. Moi, j’ai toujours été pour la formation des jeunes, je ne sais pas si c’est le credo des responsables du football en Algérie, mais on doit travailler sur pour garantir de meilleurs résultats à l’avenir.

– En parlant de Madjer, que pensez-vous de ce joueur ?

– Je l’ai vu seulement jouer. C’était un très grand joueur qui a marqué de son empreinte le football mondial, notamment par sa fameuse talonnade qu’il a réussie dans les buts du Bayern de Munich lors de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions. Un but qui restera gravé à jamais dans les annales du football.

– Avez-vous joué contre lui ?

– Non, jamais, lui est plus âgé que moi de plusieurs années Au fait, quand est-ce qu’il a cessé de jouer?

– En 1992 …

– Ah, j’aurais pu quand même le croiser sur un terrain de football, parce qu’en 1992, j’avais quand même 26 ans.

– C’est l’année aussi où vous avez été injustement privé du Ballon d’or alors que vous avez tout gagné…

– C’est de l’ancienne histoire. J’ai vécu ça comme une injustice, mais ce n’était que partie remise pour moi puisque deux ans plus tard, j’ai gagné ce Ballon d’or qui reste pour moi une consécration importante sur le plan personnel.

– L’année 1994 reste aussi l’une des meilleures de votre carrière puisque c’est l’année du Mondial américain lors duquel vous avez atteint la demi-finale avec la sélection bulgare avec en sus le titre de meilleur buteur de la compétition ex oe quo avec le Russe Salenko, n’est-ce pas ?

– Oui, c’est une belle année.

– Vous avez mené presque à vous seul votre pays au dernier carré de la Coupe du monde, un stade jamais atteint par la Bulgarie…

– Non, c’est faux de dire ça. La Bulgarie, ce n’était pas que Stoichkov mais toute une génération de joueurs surdoués à l’image de Balakov, Letchkov, Kostadinov et autres Sirakov. Sans mes coéquipiers je n’aurais peut-être pas connu toute cette réussite.

– Kostadinov a aussi sa grande part de réussite puisque son fameux but inscrit à la dernière seconde contre la France a permis à la Bulgarie d’arracher son billet pour ce Mondial, n’est-ce pas ?

– Oui, ce fut un but historique. On était revenus de loin ce jour-là puisque nous étions menés par un but à zéro avant de renverser la situation.

– Le Real Madrid a fait venir Mourinho pour contester le règne du Barça ces dernières années en Espagne. Pensez-vous que Mourinho va relever ce défi ?

– Je ne veux rien dire sur le Real. Par contre, je connais bien Mourinho qui est un très bon ami. C’est un grand entraîneur avec notamment une grande personnalité.

– Pensez-vous que l’année écoulée le Barça a été supérieur au Real ?

– Je pense que les deux équipes ont réalisé un formidable parcours avec un nombre de points surréalistes. Le Barça a réussi 99 points alors que le Real a pu obtenir 96. Ça s’est joué jusqu’à la dernière journée, et je crois que le Barça a été décisif dans ses confrontations directes avec Madrid.

– Romario sera là en Afrique du Sud pour la promotion du prochain Mondial qui aura lieu dans son pays,

le Brésil. Le savez-vous ?

– Non, je ne le savais pas. C’est une bonne nouvelle, j’irai le voir quand il sera là.

– Alors dites-lui de réserver une place pour l’Algérie en 2014. (Il sourit.)

– Oui, mais une qualification doit se mériter. Si l’Algérie veut espérer se qualifier au prochain Mondial, elle n’a qu’à continuer à bosser. Les joueurs doivent se sacrifier encore plus et pour eux et pour l’amour de la patrie. Seul le travail peut leur garantir le droit d’obtenir ce long voyage au Brésil.

– Romario est-il le meilleur partenaire avec qui vous avez joué en attaque ?

– J’ai joué avec plusieurs grands attaquants que ce soit avec le Barça ou en sélection, mais je crois que la paire Stoichkov-Romario a marqué le plus les esprits.

– Quel est le plus beau but de votre carrière ?

– J’en ai marqué plusieurs. Mais je pense que celui que j’ai marqué sur coup franc contre l’Allemagne en quarts de finale du Mondial de 1994 est, à mon avis, le plus important, car il nous a permis d’égaliser avant de l’emporter par la suite sur le fil.

– Et si on vous demandait de comparer entre Messi et Cristiano Ronaldo?

– Je n’aime pas faire de comparaison, surtout lorsqu’il s’agit de deux grands joueurs. C’est vrai que Messi est actuellement le meilleur joueur du monde, mais Cristiano Ronaldo l’a été aussi avant lui. Je pense que ce sont deux styles complètement différents. C’est comme si on compare Maradona à Pelé, ou Cruyff à Beckenbauer. Chaque joueur se distingue par ses qualités et sa personnalité.

– Zidane est d’origine algérienne. Un commentaire ?

– Les Algériens voient en Zidane un des leurs, une icône mondiale, mais lui était content de jouer pour la France…

– Une dernière question. Quel est votre favori pour le Mondial ?

– C’est difficile pour moi d’en choisir. Mais il est clair que l’Espagne avec son collectif, l’Argentine avec ses individualités peuvent remporter cette Coupe du monde. Le Brésil est toujours là aussi. Ça promet une finale époustouflante entre tout ce beau monde.

N. B.