aborder la question des binationaux en Algérie serait-il un tabou ? Une question qu’il faudrait bien se poser en tenant compte de tout ce qui entoure cette catégorie et surtout concernant les Franco-Algériens.
Ils sont pourtant loin d’être une “entité négligeable”. Leur nombre serait entre 1,5 et 2 millions de personnes, dont près de la moitié vivrait en Algérie. Un livre, publié par la maison d’éditions française, Publisud, en octobre dernier, traite le sujet avec rigueur et pédagogie, La France réinventée, les nouveaux binationaux franco-algériens. Son auteur est Séverine Labat, chercheuse au Cnrs/Cadis (Centre d’analyse et d’intervention sociologique).
L’ouvrage décortique les relations entre les deux pays à travers les péripéties historiques des Algériens depuis le début de la colonisation jusqu’à nos jours. La sociologue française s’est penchée sur plusieurs types de binationalité en axant son étude essentiellement sur les “nouveaux”, ceux qui ont “fui” ou qu’on a obligé à fuir l’Algérie depuis 1988. D’ailleurs, tout au long des 271 pages, Séverine Labat évoque la colonisation et ses effets sur les “autochtones”. Selon cette publication, les crises identitaires dans lesquelles nagent les Algériens ne sont pas imputables uniquement à l’avant-62. Ainsi l’Indépendance “n’a pas été un achèvement” et que tout, ou presque, reste à faire pour “démystifier l’identité nationale”. La manière avec laquelle le pouvoir a été “pris” par le “groupe d’Oujda” a été décortiquée sans ambages en exposant les effets négatifs que le pays subit jusqu’à nos jours. L’autoritarisme “du lien national sur le lien non négociable de l’arabité et de l’islamité érigées comme des fondements exclusifs de l’identité nationale a été progressivement mais rapidement remis en cause”.
Cependant, le 5 Octobre 1988 et la “guerre civile” des années 1990 sont venus ainsi étaler la fragilité avec laquelle l’état algérien a été voulu dès l’Indépendance. Le départ massif de nombreux Algériens enregistré durant cette période vers la France serait une des preuves tangibles de l’“échec”.
La double filiation des Franco-Algériens suscite également d’autres “conséquences”. La globalisation mondiale actuelle chamboule, entre autres, la relation entre la nationalité et la territorialité. En France, les débats autour de cette question se font houleux. Par contre, en Algérie, la “tendance” n’est même pas au stade de gestation. Pourtant l’impact des Franco-Algériens sur tous les secteurs du pays est loin d’être négligeable. L’exemple de Louisa Ferhat est plus qu’illustratif.