Le siège de l’Oiac à La Haye (Pays-Bas)
L’OIAC a été distinguée par le prix Nobel de la paix, une récompense en forme de piqûre de rappel pour les pays, Etats-Unis en tête, qui n’ont toujours pas détruit leurs stocks.
«Les événements en Syrie, où des armes chimiques ont été utilisées, soulignent le besoin d’accroître les efforts pour se débarrasser de telles armes», a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Thorbjoern Jagland. Méconnue du grand public, l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimique (Oiac) s’est imposée face à l’adolescente pakistanaise Malala Yousafzai, qui faisait pourtant figure de favorite. Le comité Nobel ne commente jamais les raisons pour lesquelles un candidat n’est pas retenu. L’organisation basée à La Haye est sous les feux de l’actualité depuis qu’elle a été chargée par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, le 28 septembre, de superviser le démantèlement d’ici au 30 juin 2014 de l’imposant arsenal chimique de la Syrie. Fondée en 1997, elle est chargée de mettre en oeuvre la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (Oiac) signée le 13 janvier 1993, rare exemple de succès dans les efforts de désarmement mondial puisqu’elle rassemble 190 pays depuis l’adhésion de la Syrie en septembre. Seule une poignée d’Etats, parmi lesquels Israël et la Corée du Nord, ne l’ont pas signée ou ratifiée. «Je sais que le prix Nobel de la paix nous aidera dans les mois qui viennent à promouvoir l’universalité de la Convention», a réagi le directeur général d’Oiac, Ahmet Uzumcu, sur la télévision norvégienne NRK. M.Jagland a au passage égratigné les Etats parties qui, comme les Etats-Unis et la Russie, n’ont pas totalement détruit leurs stocks avant la date limite d’avril 2012. «Quand des pays braquent les projecteurs sur les armes chimiques d’un autre pays, ils ont clairement la responsabilité d’accélérer la mise en oeuvre de leurs propres engagements», a-t-il dit. «Les Etats-Unis ont fait de gros progrès mais ils sont en retard», a-t-il ajouté. Armes de destruction massive frappant aveuglément militaires et civils, les armes chimiques ont montré leurs effets dévastateurs cette année en Syrie. Les experts de l’Onu disent avoir trouvé des «preuves flagrantes et convaincantes» de l’utilisation de gaz sarin le 21 août en périphérie de Damas. L’attaque a fait au moins 1.429 morts, dont 426 enfants, selon les Etats-Unis, même si les bilans divergent. L’opposition syrienne et l’Occident ont accusé Damas, qui a démenti mais qui, sous la pression de la Russie, a accepté de détruire son arsenal chimique. La proposition du président russe Vladimir Poutine de placer cet arsenal sous contrôle international en vue d’être démantelé a permis d’éviter des frappes punitives envisagées par les Etats-Unis et la France, et propulsé l’Oiac sur le devant de la scène. Dans des conditions périlleuses, ses experts sont déjà à pied d’oeuvre sur le terrain en Syrie depuis le 1er octobre. En combinaisons spéciales avec casques et gilets pare-balles, ils vont devoir s’assurer du démantèlement d’un arsenal qui serait composé de plus de 1.000 tonnes d’armes chimiques, dont 300 tonnes de gaz sarin. Contrairement à de précédentes éditions dont celles de 2009 avec le président américain Barack Obama et 2012 avec une Union européenne en crise, le Nobel de la paix est cette année très consensuel. Le prix est «une reconnaissance du fait que l’on ne peut libérer le monde des armes de destruction massive qu’en renforçant les institutions internationales», a commenté le directeur de l’institut suédois Sipri, Tilman Brück. «La récompense renforce la norme internationale qui bannit la possession et l’emploi de ces armes», s’est aussi félicité Mark Fitzpatrick, un expert de la non-prolifération au sein de Institut international d’études stratégiques (IISS) à Londres. Le Nobel, qui consiste en une médaille d’or, un diplôme et un chèque de 8 millions de couronnes suédoises (912.000 euros), sera remis au lauréat le 10 décembre, date anniversaire de la mort de son créateur, le philanthrope suédois Alfred Nobel (1833-1896).