Sous la loupe des inspecteurs de la DCP : La face cachée du commerce

Sous la loupe des inspecteurs de la DCP : La face cachée du commerce

Depuis le premier jour du mois sacré, la Direction de la concurrence et des prix (DCP) de la wilaya d’Alger tente de réduire les risques d’intoxication alimentaire et lutter contre la fraude.

Pour voir de près comment se font les contrôles, nous avons pris attache avec une équipe de trois inspecteurs principaux dirigée par G. Sofiane (22 ans de service) de la subdivision de Bab El Oued pour une sortie sur le terrain. 10h. Le premier commerce à être passé sous la loupe des inspecteurs de contrôle est une boucherie spécialisée dans la vente de volaille.

Première infraction : des plateaux d’œufs exposés devant le magasin sous le soleil et à une température avoisinant les 33°C. Après vérification du registre du commerce, l’inspecteur principal, G. Sofiane, met le thermomètre dans le réfrigérateur-présentoir : le thermomètre affiche 26°C, de quoi faire échapper un sifflet au contrôleur. Et pour cause, l’équipement est en panne. Idem pour la chambre froide au fond du magasin.

Essayant de se justifier, le volailler ne fait qu’aggraver la situation. «Je viens d’ouvrir le magasin et par mesure de sécurité, je débranche tout avant sa fermeture», explique-t-il. L’inspecteur lui rétorque que la température ne doit pas dépasser les 8°C et il ne doit en aucun cas suspendre l’alimentation électrique tant qu’il a des produits à préserver.

Une convocation lui a été adressée, le marchand devant se présenter le lendemain la subdivision de Bab el-Oued. Les inspecteurs de la DCP se présentent dans une supérette propre et climatisée. Le fils du gérant donne bonne impression, sûr de lui-même. Il désagrafe automatiquement la feuille faisant office de registre du commerce accrochée au mur derrière la caisse. Vingt minutes plus tard, les cinq inspecteurs n’ont trouvé aucune anomalie.

«Nous avons contrôlé la date de péremption des produits, l’étiquetage, la dénomination du produit, la raison sociale, l’adresse, le nom de l’importateur, le poids, l’origine du pays fabricant ainsi que la composition du produit qui doit être mentionnée en langue arabe», indique Z. Hadjer, inspectrice principale.

DES GÂTEAUX ET DES DÉCHETS

A la sortie de la supérette, l’équipe de la DCP s’oriente vers une boulangerie-pâtisserie archi comble. Les inspecteurs contournent le comptoir et s’engouffrent dans l’arrière-boutique. Ils découvrent un autre monde : manque d’aération, des plafonds vétustes et suintants, des déchets à proximité des gâteaux et aucune mesure de sécurité pour les travailleurs. Dans le réfrigérateur, une grosse quantité de pâte, périmée.

«C’est quoi ça», demande Sofiane ? «C’est du déchet», répond le pâtissier «Je pense qu’on met les déchets dans une poubelle», réplique l’inspecteur.

Avant de sortir, l’inspecteur adresse au patron une convocation pour se rendre à la DCP pour mauvaises conditions de stockage et problème d’hygiène. Autre étape : une pizzeria, transformée en lieu de vente du fameux «Cherbet». Le propriétaire explique cette modification de l’activité par un retard dans l’octroi du nouvel agrément.

En attendant le fameux document, le gérant travaille depuis plus de trois ans avec une attestation d’artisan. Pour revenir à son produit, les contrôleurs trouvent que ce dernier respecte les normes d’hygiène et de sécurité. Ainsi par rapport à la dose d’acide citrique prescrite, deux kilogrammes dans 500 litres d’eau, soit 4 grammes par litre, ils trouvent qu’il respecte les normes. Mais l’eau utilisée n’est pas traitée. Le commerçant déclare qu’il utilise l’eau du robinet, celle qu’il «prend à la maison avec sa famille».

Midi au même quartier. La boucherie du marché attire beaucoup de clients. Première remarque : dans ce petit local de presque 16 m², la viande est bien présentée. Mais l’accueil tout sourire que le patron des lieux adresse aux inspecteurs n’empêche pas ces derniers de lui laisser une convocation pour le vieux billot fissuré de tout côté ainsi que pour la température qui a dépassé les 8°C au niveau du présentoir.

UNE BOUCHERIE POPULAIRE QUI NE PAYE PAS DE MINE

Sur les hauteurs de Bab el-Oued, une autre boucherie avec beaucoup des clients. Seuls deux contrôleurs ont pu accéder derrière le comptoir vu l’exiguïté des lieux. Interrogé sur le secret de ce succès, un client lance : «C’est le boucher qui vend moins cher à Bab El Oued». A sa sortie, l’inspecteur principal B. Allaoui signale que le boucher n’a pas respecté les normes de présentation.

«La moitié de sa marchandise est sur le présentoir, exposée à l’air libre; en plus, les abats sont accrochés à l’extérieur du magasin», souligne le contrôleur. Sentence : «Nous lui avons adressé une convocation pour non-respect de la température et l’existence de la viande hachée déjà préparée dans la chambre froide». Puis l’équipe inspecte un magasin de produits laitiers.

Le propriétaire est également convoqué pour non-respect des normes de stockage du lait pasteurisé et non-présentation de l’original du registre de commerce. Sur le sort des ces commerçants convoqués, A. Yacine, inspecteur principal a indiqué que ces personnes ne paieront pas automatiquement des amendes. «Il y a ceux que nous conseillons, ceux que nous avertissons, ceux qui payent des amendes, ceux qui feront l’objet de poursuites judiciaires et ceux dont nous proposons, à la wilaya, la fermeture du local», précise-t-il.

Abbas A. H