Sources de toudja : Ils sont une cinquantaine à vivre de la vente de cette eau

Sources de toudja : Ils sont une cinquantaine à vivre de la vente de cette eau

Le nombre des vendeurs d’eau de sources à Toudja n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Ils seraient une cinquantaine à faire de cette activité leur métier principal. Mais un arrêté du maire de Toudja interdisant aux chauffeurs des petits camions-citernes de s’approvisionner de ce précieux liquide à la source a suscité le mécontentement des concernés. Ils ont assiégé l’APC en signe de protestation.

Ces jeunes, qui se sont endettés auprès des banques, de l’Ansej, de la Cnac, pour acquérir le véhicule et les citernes, doivent payer des traites tous les mois. Il faut dire que le maire est dans son droit. La population grogne en raison des incessantes pénuries d’eau alors que des vendeurs d’eau de sources de Toudja alimentent à longueur d’année les communes avoisinantes ainsi que le chef-lieu de wilaya.

Avec un métier en poche, cuisinier de formation, Karim n’a pas hésité longtemps à troquer sa toque, un métier qu’il affectionne, pour acquérir dans le cadre de l’Ansej un camion-citerne ; un petit camion de marque asiatique avec deux citernes de 2 000 litres chacune. C’est en remplaçant un peu par hasard son cousin, l’un des premiers à se lancer dans le métier, qu’il a décidé de franchir le pas.

“C’est en voyant le nombre de personnes qui attendaient à chaque coin de rue et dans tous les quartiers de Béjaïa ; que j’ai compris qu’il y avait là un filon qu’il fallait exploiter.” Et en fin de journée, le camion de Karim était plus léger ; il avait réussi à vendre toute son eau. Et à la remise des clefs et de la caisse, il fait aussitôt part de son intention de rejoindre la grande famille des vendeurs d’eau de sources…de Toudja ; une eau, réputée depuis l’Antiquité ; les Romains l’avaient acheminée par aqueducs depuis cette jolie commune jusqu’à Béjaïa, l’antique Saldae.

Outre l’encourager, son cousin fera gagner beaucoup de temps à Karim ; il lui épargnera le parcours du combattant auquel il a eu droit avant de concrétiser son projet et surmonter les écueils de la bureaucratie, présente constamment : de l’idée à l’acquisition de cet investissement.

Parallèlement aux démarches qu’il entreprend auprès de l’Ansej et des autres organismes concernés (Banque, registre du commerce, etc.), Karim n’a pas perdu son temps. Entre-temps, il a multiplié les remplacements de son cousin, mais aussi des autres dont de nombreux amis. Les transporteurs ont souvent besoin de s’absenter un jour ou deux par semaine. Et c’est là qu’intervient Karim, qui en profite pour rentabiliser sa journée en attendant d’arriver au bout de la chaîne bureaucratique ; il gagne bien sa journée, il partage la recette de la journée avec son “bailleur”. Il en profite aussi pour se faire connaître auprès de ses futurs clients et repérer les quartiers calmes et où il y a une réelle demande.

Et à l’acquisition du camion-citerne, la subdivision de l’hydraulique de sa commune n’a pas hésité longtemps à lui accorder l’autorisation de rejoindre les dizaines de vendeurs d’eau de sources de Toudja. Avec son carnet d’adresses, qu’il a bien rempli lors de ses remplacements, Karim s’est lancé. Aujourd’hui, il fait partie des anciens. Dans chaque quartier, il a un ou deux interlocuteurs privilégiés, qui l’appellent en cas de panne sèche. Et quand il n’est pas disponible — il s’autorise au minimum une journée de repos par semaine —, il appelle un de ses collègues pour faire un crochet et servir les gens avec lesquels il est devenu un ami.

Un créneau devenu porteur

Ils seraient quelque 50 jeunes et moins jeunes à travailler dans ce créneau, a témoigné M. Atmani, l’un de leurs représentants, qui s’exprimait le lundi 6 octobre sur les ondes de la radio Soummam. Pourtant, au début, ils étaient une poignée et ils étaient censés exercer ce métier en période estivale, avec les grandes chaleurs où le précieux liquide devient une source rare. Une situation, qui fait le bonheur des fabricants d’eau minérale et d’eau de sources, qui n’ont même pas à faire de publicité pour écouler leurs produits. Tout semble couler de source pour ces différentes marques, qui se disputent le marché local.

En effet, ils étaient censés suppléer le manque d’eau dans les robinets qui survenait généralement en été ou lorsqu’il y a de grosses réparations à faire. Mais depuis l’achèvement du barrage de Tichy Haf, l’eau des robinets ne servait, notamment au début, qu’à la vaisselle et à la lessive. Les techniciens de la direction de l’hydraulique et l’Algérienne des eaux n’avaient cessé de rassurer les gens sur les ondes de la radio locale ou par le biais de la presse sur la qualité de l’eau de Tichy Haf. Mais rien n’est fait.

L’eau continue à être boudée par les habitants des quartiers et des villages environnants, raccordés à ce nouveau réseau. Certains refusent même de l’utiliser pour faire leur ablution pour dire à quel point les gens ont douté de la “propreté de cette eau” qu’on a acheminée tout au long du couloir de la Soummam. Si les choses semblent avoir changé depuis – la majorité a fini pas s’habituer à son goût – force est de constater que les producteurs d’eau naturelle ou de sources en bouteille ne risquent pas de connaître de crise ; ils enregistrent des croissances presque à deux chiffres en témoigne le nombre de bouteilles, qui arrivent pas semi-remorques y compris des wilayas les plus lointaines.

Une chose est sûre leurs parts de marché en volume et en valeur est en nette progression, ont témoigné les commerçants dont ceux de gros, interrogés dans le cadre de cet article. La bouteille d’eau minérale ou de sources est passée de 20 DA à 25 ; elle est désormais vendue à 30 DA ; la bouteille de 5 litres est passée de 50 à 55 DA ; le fardeau qui était vendu à 120 dinars est passé à 130, puis à 135 ; présentement, il atteint les 140 DA. Chez certains commerçants, on l’achète même à 145 DA.

Forcément, les jeunes vendeurs d’eau de la source de Toudja ont la cote. Leur précieux liquide est cédé à 2 dinars le litre. Une bouteille de 5 litres est vendue à 10 DA. Ce qui réjouit tout le monde. Mais leur métier n’est pas exempt d’escrocs, qui font passer l’eau du robinet pour de l’eau de source…de Toudja. Certains travaillent sans autorisation. Mais un arrêté du maire de Toudja, qui craint qu’un mouvement social ne vienne perturber la quiétude d’une commune plutôt paisible, interdit aux vendeurs d’eau de sources de prendre l’eau de sa commune pour la vendre dans les communes limitrophes principalement au chef-lieu de wilaya.

“On ne peut pas laisser les robinets de nos administrés à sec et tolérer que des gens indélicats arrosent leurs jardins ou vendent l’eau de Toudja”, a indiqué avec insistance l’édile local. Les vendeurs d’eau de sources réclament, quant à eux, un point d’eau pour continuer à exercer un métier qu’ils ont investi et qui rend service à des habitants des quartiers et villages de Béjaïa, El-Kseur, Oued-Ghir, etc.

M. O.