Sorcellerie dans les cimetières : la visite des femmes bientôt interdite ?

Sorcellerie dans les cimetières : la visite des femmes bientôt interdite ?

Une vive controverse agite l’opinion publique en Algérie depuis que des voix se sont élevées pour réclamer l’interdiction d’accès des femmes aux cimetières, en réaction à la multiplication des actes de sorcellerie détectés dans plusieurs nécropoles du pays.

C’est à l’occasion de campagnes de nettoyage de cimetières, lancées au mois de mai, que des bénévoles ont découvert une quantité impressionnante de talismans et objets utilisés dans des rituels occultes, souvent dissimulés entre les tombes. 

Selon leurs témoignages, certaines pratiques violent ouvertement la sacralité des morts, allant parfois jusqu’à utiliser des restes humains ou des morceaux de linceul.

Ces éléments ont alimenté les craintes concernant une pratique soutenue du charlatanisme et de la magie noire, qui porterait atteinte à la mémoire des défunts et à la sacralité des lieux.

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Face à cette situation alarmante, certains activistes appellent désormais à une intervention ferme des autorités, réclamant notamment l’installation de caméras de surveillance dans toutes les nécropoles du pays, une réglementation des heures de visite, ainsi qu’un contrôle strict des gardiens, dont certains seraient soupçonnés de complicité avec des praticiens de la magie noire.

Des appels controversés à interdire les femmes d’accès aux tombes

Cette proposition a rapidement suscité un débat houleux. D’un côté, certains citoyens et imams affirment que l’islam interdit aux femmes de fréquenter les cimetières, se basant sur des hadiths rapportant que le Prophète (sws) aurait maudit celles qui visitent régulièrement les tombes. 

De l’autre, de nombreuses voix s’élèvent pour défendre le droit des femmes à se recueillir sur les tombes de leurs proches, estimant qu’un comportement déviant ne doit pas justifier une interdiction collective.

D’autres internautes ont rappelé que les hommes aussi consultent des sorciers, et que la majorité des charlatans sont eux-mêmes des hommes. Ils dénoncent une approche sexiste du problème, appelant à des solutions globales et équitables, comme le renforcement de la sensibilisation religieuse, le contrôle accru des cimetières, et l’application de la loi contre toute atteinte aux morts.

Des chiffres qui alimentent la polémique

Des spécialistes en roqya (exorcisme islamique) soutiennent cependant que les femmes seraient majoritairement concernées par les pratiques de sorcellerie, aussi bien en tant que victimes qu’en tant que commanditaires. Selon eux, elles se montreraient plus vulnérables aux superstitions, souvent par jalousie ou peur de perdre un conjoint. Une affirmation que plusieurs féministes et sociologues rejettent, estimant qu’elle renforce des stéréotypes néfastes et détourne le débat des véritables responsabilités.

Ce que dit vraiment l’islam sur la visite des cimetières par les femmes

Dans la tradition islamique, la question de la visite des cimetières par les femmes a toujours été source de débat. Certains hadiths évoquent une réprobation, comme celui rapporté par Abou Hourayra dans lequel le Prophète (ﷺ) aurait dit : « Qu’Allah maudisse les femmes qui visitent souvent les tombes. » Cependant, ce hadith s’adresse aux femmes qui y allaient de manière excessive, avec des pleurs bruyants, chose fréquente à cette époque.

Mais de nombreux autres textes authentiques viennent autoriser la visite des tombes pour les femmes, tant que cela se fait dans la décence et sans manifestations émotionnelles exagérées. Le Prophète (ﷺ) a également dit : « Je vous avais interdit de visiter les tombes, mais désormais, visitez-les, car elles vous rappellent l’au-delà. » — un discours adressé aux hommes comme aux femmes.

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L’exemple d’Aïcha (رضي الله عنها), l’épouse du Prophète, est souvent cité : elle a visité la tombe de son frère sans être réprimandée. Elle a également rapporté un hadith dans lequel elle interroge le Prophète sur la prière à dire lors des visites, ce qui confirme que la visite féminine était acceptée par les compagnons du Prophète et les savants ultérieurs.

Trouver un équilibre entre prévention et stigmatisation

Face à la montée inquiétante des pratiques de sorcellerie dans certains cimetières, une réponse ferme et encadrée par la loi est indispensable. Il s’agit de protéger la dignité des défunts, de prévenir les atteintes à l’ordre public et de sanctionner les actes occultes criminels.

Cependant, l’interdiction généralisée des femmes dans les cimetières n’apparaît ni légitime sur le plan religieux ni juste sur le plan social. Le vrai combat doit être mené contre les réseaux de charlatans, pas contre les citoyens — hommes ou femmes — qui souhaitent simplement honorer leurs morts dans le respect des rites.