Sonatrach, L’instabilité chronique des P-dg

Sonatrach, L’instabilité chronique des P-dg

Huit P-dg en 14 ans dont 4 depuis l’éclatement des scandales de corruption en 2010 ! La compagnie publique des hydrocarbures Sonatrach, ce sein nourricier national, détient le triste record national en termes de disgrâce et d’instabilité managériale.

Salah Benreguia -Alger (Le Soir) Tous les présidents-directeurs généraux ont été «remerciés» au bout de quelques mois après leur installation. Jugez-en : Nourredine Cherouati est resté environ 20 mois à la tête de Sonatrach (mai 2010-novembre 2011), alors que son successeur Abdelhamid Zerguine a fait un peu mieux en dirigeant la première compagnie d’Afrique durant environ trois ans.

Actuellement et depuis le mois de juillet passé, M. Sahnoune est à la tête de Sonatrach en tant qu’intérimaire… Pis, M. Sahnoune est entouré de 4 vice-présidents tous nommés par intérim ! Ainsi donc, la première compagnie publique nationale (l’exemple est, hélas, valable pour certaines entreprises publiques) traîne dans une instabilité, devenue chronique, notamment depuis que M. Bouteflika est aux affaires.

Une situation qui laisse perplexe aussi bien les cadres de Sonatrach, en pleine crise de confiance, conséquence directe des scandales à répétition avec son lot de poursuites judiciaires, que les partenaires étrangers de l’Algérie sans oublier la classe politico-médiatique nationale.

Louisa Hanoune dans le secret des dieux ?

Comme point commun, ces nombreux et intempestifs limogeages étaient, sans exception, entourés par un épais secret de l’alcôve. Et pour cause ! Aucune explication officielle n’a été donnée à ces remerciements.

Ce qui a laissé, d’ailleurs, les gazettes faire leurs choux gras. Exemple : les rumeurs puis le limogeage de M. Zerguine de la tête de cette entreprise publique du pays qui finance les deux tiers du budget de l’Etat et lui rapporte 97% de ses devises, n’ont pas été, comme de coutume, expliquées. Certes, on a voulu reprocher à Zerguine, bien avant l’été dernier, son impuissance à enrayer le déclin de la production gazière et de contrarier la stratégie de son ministre de tutelle, mais les vraies raisons de son éviction demeurent inavouées.

Et ce qui ressemble à un «éclairage» venait, contre toute attente, de la part de Louisa Hanoune, présidente du Parti des travailleurs, quelques jours avant le départ effectif de M. Zerguine, le mois de juillet dernier.

Cette dernière, sans le citer lors d’une conférence de presse, a accusé le patron du groupe ETRHB, Ali Haddad, devenu depuis quelques semaines président du FCE, de tenter «de placer son ami à la tête de la Sonatrach dans le but d’obtenir des contrats». «On a l’impression que ni le politique, ni les partenaires sociaux, ni les gestionnaires n’ont de réponses adéquates à ce qui se passe. Tout ce beau monde est dépassé par cette situation», nous a indiqué un ancien cadre de Sonatrach qui a préféré rester dans l’anonymat.

Abdelmadjid Attar : «avoir un P-dg par intérim est une forme d’instabilité»

Opérés souvent à l’encontre des principes de l’orthodoxie régissant le fonctionnement des grandes entreprises, les changements à la tête du staff dirigeant de Sonatrach sont tout simplement contre-productifs.

Plusieurs experts qui se sont exprimés à ce sujet convergent sur un seul point : dans une société d’envergure internationale qui exerce dans un secteur aussi névralgique que celui des hydrocarbures, nommer un P-dg puis le dégommer au bout de quelques mois impacte la crédibilité de l’entreprise et affecte le moral des cadres dirigeants.(Voir l’entretien avec Mourad Preure).

Et pourtant, soutient notre source, la compagnie nationale était dirigée, durant les années 1970, avec un management au standard international.

«Je pense que Sonatrach à l’origine (du temps du Président défunt Boumediène) avait mis en place un management de standard international et cela avait fait sa réussite. Le politique n’était nullement invasif et les outils de contrôle de gestion étaient performants. De plus, l’intervention par exemple de la Cour des comptes sur certains dossiers était considérée comme routinière.

C’est ce que nous avons connu avant la dislocation de Sonatrach. Après, le politique a cru bon de s’immiscer directement dans les actes de gestion avec un directoire complaisant. Le résultat est là malheureusement», s’est désolé cet ancien cadre. Même son de cloche chez l’ex-P-dg de Sonatrach Abdelmadjid Attar (1997-2000).

«Ces changements à la tête de Sonatrach ne sont pas dans l’intérêt de Sonatrach et de l’économie nationale», explique-t-il, notamment lorsqu’on a un marché pétrolier profondément marqué par des incertitudes a fortiori celles liées au prix de l’or noir. «Actuellement il y a trop d’incertitude sur le marché pétrolier.

L’entreprise ou la compagnie, via ses managers, doit prendre, par exemple, des décisions de réajustement de politique et de commercialisation. Seul un management fort et stable est en mesure d’assurer et de faire face à l’épreuve et l’instabilité», soutient M. Attar. Un élément qui pourrait faire défaut, selon la même source, car la compagnie nationale des hydrocarbures est actuellement dirigée par un P-dg et 4 vice-présidents par intérim…

S. B.