Sonatrach II : le ministre de la Justice veut plus de temps

Sonatrach II : le ministre de la Justice veut plus de temps

“Il faut veiller à ce qu’aucun des justiciables ne soit lésé”, a-t-il dit, tout en insistant sur l’importance de faire appel à des experts spécialisés pour le traitement des affaires de justice compliquées.

Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, est sorti hier de sa léthargie pour s’exprimer enfin sur l’affaire dite Sonatrach 2. Pour autant, il ne fera pas la déclaration de l’année. “L’enquête de la justice suit son cours à un rythme satisfaisant, malgré toutes les difficultés d’enquêter sur cette affaire qui dépasse le territoire national et concerne plusieurs pays, tels que la France, l’Italie, la Suisse et le Canada”, s’est-il défendu lors d’un point de presse animé en marge de sa visite, première du genre, aux plus importantes juridictions de la capitale, à savoir la cour d’Alger et les tribunaux de Sidi-M’hamed et de Bir-Mourad-Raïs.

Le ministre juge qu’il est encore trop tôt de parler des résultats de l’enquête et qu’une instruction ne se tient pas en direct. “Il n’y a pas d’instruction en direct”, a-t-il martelé, non sans assurer sur le devoir de la justice d’informer l’opinion publique, mais au moment opportun. “Il est vrai que c’est notre devoir d’informer, et en toute transparence, l’opinion publique, mais on ne peut le faire avant l’aboutissement de l’enquête. Et si on vous disait tout aujourd’hui, vous seriez étonnés !” a-t-il commenté, tout en assurant que la justice traite cette affaire avec “sobriété”. “Le traitement de cette affaire se fait sans enthousiasme, ni acharnement”, a poursuivi M. Charfi, assurant que la justice ne dort pas et ne lésine sur aucun moyen pour faire la lumière sur cette affaire. Une sorte de mise au point à ceux qui montrent du doigt la justice algérienne depuis l’éclatement de cette affaire et bien d’autres, à l’instar du scandale de l’autoroute Est-Ouest, toujours en instruction. D’ailleurs, pour le ministre, “toutes les affaires de corruption sont égales et toute personne impliquée doit savoir qu’elle devra assumer ses responsabilités”.

Et le ministre de s’interroger avec amertume : “Un individu impliqué dans ce genre d’affaires, de haute trahison, mérite-t-il encore de garder sa place parmi la collectivité nationale ?”

M. Charfi est désormais le deuxième haut responsable de l’État à s’exprimer sur les affaires de corruption qui ébranlent bien des secteurs chez nous, après le président Bouteflika qui avait affirmé, en mars dernier, que “la justice fera son travail afin de juger les coupables dans les affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics (…)”. À juste titre, des observateurs ne manqueront pas de commenter que la sortie du garde des Sceaux, effectuée en compagnie avec le wali hier à Alger, se veut comme une occasion pour lui de donner un coup de fouet à la justice qui fait de plus en plus l’objet de critiques. Un constat presque confirmé par le ministre lui-même, pour avoir insisté, tout au long de son discours, en évoquant la nécessité de renforcer “la compétence et l’indépendance” de la Justice. “Il faut traiter toutes les affaires avec un maximum d’équité ; il faut veiller à ce qu’aucun des justiciables ne soit lésé”, instruisait-il à chacune de ses haltes, tout en insistant sur l’importance de faire appel à des experts spécialisés pour le traitement des affaires de justice compliquées.

Le ministre a mis en exergue l’importance d’avoir une justice forte à même d’encourager les investissements étrangers dans notre pays. En revanche, le ministre instruira les procureurs de la République sur la nécessité de jouer pleinement leur rôle de défenseurs des institutions et des biens de l’État. D’ailleurs, de l’aveu même du wali d’Alger, Mohamed Kebir Addou, plusieurs communes perdent des procès à cause d’une défense mal assurée par ces “avocats” de la République. Interrogé, par ailleurs, sur le bras-de-fer entre le bâtonnat et les magistrats, le garde des Sceaux a tenté de contenir la tension qui monte ces derniers temps entre les deux corporations. Il préfère ne pas parler de “conflit” tant qu’il ne s’agit pas, dit-il, d’intérêts personnels, mais d’une crise interne à l’institution qui nécessite d’être réglée “sans faire de bruit”. “À moins qu’il y ait négligence dans le traitement de cette question, c’est un problème qui doit être traité dans la discrétion la plus absolue”, a-t-il instruit, non sans rappeler sa mission qui consiste à veiller au bon fonctionnement de la justice.

F A