Une quinzaine de personnes figurant sur la liste des témoins n’ont pas fait, hier, le déplacement au tribunal criminel près la cour de Blida. Parmi eux, le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, et le P-DG de Sonelgaz, Nourredine Bouterfa. Leurs PV devant le juge d’instruction ont été lus par le président d’audience, Antar Menouar.
Le ministre de l’Habitat est le troisième ministre à ne pas se présenter à la barre en tant que témoin. La journée de mercredi dernier a été, en effet, marquée par la défection des anciens ministres des Finances : Mohamed Terbèche, Karim Djoudi et Mourad Medelci. Ce dernier est actuellement président du Conseil constitutionnel. La défense, dans son ensemble, n’a pas contesté frontalement le recours abusif à la lecture des procès-verbaux quand il s’agit du témoignage de hauts responsables. Mais certains avocats désapprouvent en coulisses ce procédé qui leur ôte le droit de leur poser des questions. Ils pensent que le magistrat abuse de la lecture des PV d’audition des témoins, pour masquer son incapacité à faire venir à la barre de hauts responsables. Le directeur général de la compagnie Air Azur a été, le seul, à présenter un justificatif, pour son absence. Le certificat médical a été remis au juge par Me Zoubir Allouche. Au programme de la journée d’aujourd’hui figurent le secrétaire général de l’UGTA, Adelmadjid Sidi-Saïd, et l’ex-ministre du Travail, Abou Djerra Soltani. Ils ne se présenteront sans doute pas, non plus, à la barre. Sinon, ils auraient été portés en tête de liste des témoins à auditionner durant la journée. Or, leurs noms figurent aux 41e et
42e places. Sur la liste des témoins de mardi figurent les noms d’Ali Touati, vice-gouverneur de la Banque d’Algérie, et le président de la Fédération du football, Mohamed Raouraoua. Mercredi, ce sera au tour du liquidateur Moncef Badsi d’être interrogé par le tribunal.
Le magistrat a lu hier, vers 16h, rapidement le PV d’audition de Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier a déclaré “n’avoir rien à voir avec cette affaire”, soulignant que les OPGI dépendent effectivement du ministère de l’Habitat, mais ils disposent d’une autonomie de gestion et de budget. “Les dépôts des OPGI à Khalifa Bank ont commencé avant ma nomination à la tête du ministère et ont continué après. Ces dépôts sont de la responsabilité des présidents des conseils d’administration de ces OPGI. Pour ma part, je certifie que je n’ai donné aucune instruction verbale ou écrite en ce sens”, dit le ministre de l’Habitat devant le juge d’instruction. Il précise que les conseils d’administration des OPGI sont composés de représentants de plusieurs ministères et donc la responsabilité n’incombe pas seulement à son département. Tebboune reconnaît avoir rencontré Moumen Khelifa à plusieurs reprises. “Il m’a proposé des MasterCard pour mes enfants. Je lui ai remis à son bureau 200 000 dinars et il m’a donné une carte que j’ai utilisée pour des soins en France. Khelifa m’a également sollicité pour un agrément pour sa société de construction que j’ai refusé parce qu’elle ne répondait pas aux critères”.
Bouterfa, P-DG de Sonelgaz,
et le terrain vendu à Khelifa
Le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a été entendu durant l’instruction sur les dépôts faramineux de fonds des Offices de promotion et de gestion immobilière (OPGI) à la banque Khalifa. Devant le juge d’instruction, les directeurs des OPGI ont soutenu avoir pris la décision de retirer une partie de leur trésorerie des banques publiques pour les placer à Khalifa Bank sur instigation du ministre, afin de bénéficier de forts taux d’intérêt. Ce que nie complètement Tebboune. “J’ai parlé de diversification des investissements et non des placements”, dit-il.
Le 13 novembre 2005, le juge d’instruction a entendu Nourredine Bouterfa, P-DG de
Sonelgaz. Son PV a été également lu, hier, par le magistrat. Selon lui, 200 millions de dinars ont été placés à Khalifa Bank par son prédécesseur, sans accord du conseil d’administration. “Je n’ai bénéficié d’aucun privilège. Ma femme, dentiste, avait un terrain qu’elle a vendu à 10 millions de dinars à Khelifa Moumen, par l’intermédiaire de la femme d’Azziz Djamel directeur de l’agence d’El-Harrach. C’était une simple coïncidence.”
Kebbache Nadjia, directrice de Khalifa Airways, a indiqué que Keramane Yasmine lui a été envoyée par Guelimi Djamel chef de cabinet de Moumen Khelifa. Elle ajoute qu’elle ne la connaissait pas personnellement et qu’elle n’avait même pas son numéro de téléphone. Le groupe Khalifa a confié à Yasmine Keramane la mission d’ouvrir une ligne
aérienne Alger-Milan.
Khalifa Bank : redressement fiscal
de 3 milliards de dinars
Hier, le juge a entendu Dridène Saïd, cadre de la direction générale des impôts, qui a soutenu que les vérifications des opérations comptables entre 1998 et 2002, ont abouti à un redressement fiscal de 3 milliards de dinars à l’encontre de Khalifa Bank. “Il y avait des anomalies dans la comptabilité de la banque et des déficits répétitifs.” Il a précisé que Khalifa Bank a bénéficié, à ses débuts, d’une exonération d’impôts de 5 ans.
Tidjani est l’adjoint du liquidateur Moncef Badsi. Il travaillait avec Mohamed Djellab au CPA. Quand Djellab a été désigné administrateur provisoire de Khalifa Bank, il le sollicite pour prendre en charge le volet commerce extérieur. Après le départ de l’administrateur de Khalifa Bank, au bout de deux mois de mission, il rejoint le liquidateur Badsi et devient son adjoint. Le juge l’interroge sur le cas de l’ancien directeur de l’école de police d’Aïn Benian. Tidjani déclare que Foudad s’est présenté à la liquidation avec une lettre de compensation d’un nantissement d’une dette émanant d’une société espagnole. Un nantissement de dépôt à terme de 609 000 euros. “C’est une forme de compensation à une entreprise espagnole qui n’était pas réglementaire. Il y avait un accord de principe du liquidateur pour étudier le dossier, mais a fini par rejeter la demande. Ce n’était pas un accord définitif”, précise le témoin.
Concernant les anomalies constatées dans les comptes de l’agence Khalifa de Blida, Tidjani raconte : “Une employée de la comptabilité est venue m’avertir que des débiteurs sont devenus créditeurs. J’ai informé le liquidateur Badsi qui a, à son tour, convoqué le directeur de cette agence. Selon le directeur de cette agence, il aurait donné le mot de passe du réseau informatique de l’agence à une personne chargée par Badsi du recouvrement des créances à l’agence de Blida. Cette personne s’est présentée le jour même à la liquidation et a promis de faire un rapport sur ces comptes. J’ai consigné tout cela dans un PV qui j’ai versé au dossier.”
Bendjoudi Mohamed-Tahar, DG adjoint de la Caisse des retraites, affirme que le bureau du conseil d’administration constitué des présidents de commissions, s’est réuni en septembre 2001 et a décidé le placement de 12 milliards de dinars à Khalifa Bank. C’est une décision antiréglementaire. Selon le décret exécutif 92-9, il fallait l’approbation des 29 membres du conseil d’administration, soumettre la décision à la tutelle pour avis, avant de passer à l’acte. Or le ministère n’a pas du tout été informé de cette mesure, fait remarquer le représentant du ministère public. La Caisse des retraites entreprend, finalement un placement de 12 milliards de dinars à Khalifa Bank. En 2002, quand Khalifa Bank est entrée en période de turbulences, le conseil d’administration procède au retrait de 8 milliards de dinars et, en de route, en perd 4 milliards.
Yassa Lakhdar est directeur d’une agence immobilière de gestion et de planification. Il arrive à l’audience avec une pile de documents. Le 13 mars 2002, cette agence dépose 60 millions de dinars pour une année à l’agence Khalifa de Batna pour un taux d’intérêt de 9%. Il soutient que ce dépôt a été effectué suite à la baisse du taux d’intérêt du CPA qui est passé de 18% à 1%. “Le décret exécutif gérant l’agence permet au directeur de prendre cette décision”, dit-il.
Kourari Mabrouk est directeur de l’entreprise de fabrication de bière. Cette société effectue un placement de 300 millions de dinars à Khalifa Bank pour un taux d’intérêt de 10,5%. On a retiré les bénéfices et perdu 144 millions.
N.H.