Véritable bombe, hier, à Bruxelles lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. Le Royaume-Uni et la France ont franchi le pas, dépassé la ligne rouge, enjambé l’obstacle qui mène tout droit vers l’escalade en Syrie. David Cameron et François Hollande, chacun de son côté, a annoncé l’intention de son pays de fournir armes, conventionnelles ou pas, létales ou pas, à l’opposition syrienne. De Rome, une fumée blanche a annoncé l’élection d’un pape argentin et de Bruxelles l’on entend les tambours de la guerre. Malheur aux vaincus!
L’argumentaire des deux côtés de la Manche est aussi léger qu’hypocrite. Paris et Londres assisteront la guérilla syrienne soi-disant pour éviter au peuple syrien le martyre, d’être «atrocement» réprimé par le régime en place. Cependant, les propos de Londres et de Paris ne sont pas cohérents au plan médiatique, au moins.
Parce que, d’une part, l’opposition syrienne armée, et ça tout le monde le sait, est d’obédience islamiste, djihadiste, deux euphémismes pour ne pas dire terroristes. Comment peut-on combattre Al Qaïda au Mali et leur fournir tous types d’armements en Syrie ? Cette impossible équation, François Hollande devra se résoudre à la régler, si tant qu’il le puisse, et expliquer aux Français comment on peut porter à bout de fusils, de canons, de drones, de bombardiers, d’avions porteurs et des tas d’autres merveilles de la guerre l’extrémisme islamiste en Syrie ? Quels sont les ressorts de pensée qui mènent vers cette forfaiture, cette imposture ? Cameron et Hollande sont sur les traces de G. Bush II en Syrie, ils parlent à peu près de la même façon, brumeuse, sombre, avançant des propos incohérents mais intransigeants et, déterminés, quant à leur volonté d’en finir avec Al Assad, quitte à prendre le risque de transformer la Syrie en Etat Qaïda. Toute la doctrine de Hollande et de la France au Sahel s’en trouve, dès lors, remise en cause et, d’un coup, l’intervention militaire hexagonale au Mali est frappée du sceau du doute, du malaise et de l’inconséquence. L’Amérique d’Obama reste en arrière-ligne sur ces deux grandes questions actuelles que sont le Mali et la Sahel. Est-ce un partage de rôles ? Une prise de distance de Washington ? Une nouvelle ère dans les relations transatlantiques ? Les prochaines semaines apporteront leurs lots respectifs de réponses. Ou de non-réponse. Armer les djihadistes armés, les partisans d’Al Qaïda en Syrie revient à permettre à la Chine et à la Russie de protéger davantage leurs intérêts dans la région et à ne plus brider Bachar Al Assad pour qu’il vienne, à bout, par tous les moyens, il en dispose, ne nous méprenons pas, encore et davantage à sa disposition, de la rébellion superbement armée. Après la décision franco-britannique de Bruxelles, qui reprochera à Assad de combattre, de livrer combat, de mener la mère des batailles ? De Bruxelles, Hollande et Cameron ont fait franchir au conflit syrien une étape supplémentaire, ouvrant sur tous les dangers. Dorénavant, le meilleur est derrière tout le monde. Seul le pire au pire répondra.
A. M.