Sommet de l’OTAN: Les Européens malmenés par Trump

Sommet de l’OTAN: Les Européens malmenés par Trump

Par Ghania Oukazi

Sommet de l’OTAN: Les Européens malmenés par Trump

Le 26ème sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a servi de tribune au président américain pour mettre dos à dos les pays Européens.

Après près d’un mois de sa tenue, le sommet de l’Alliance qui s’est tenu à Bruxelles le 11 et 12 juillet dernier a laissé une grande amertume dans les esprits européens. Et pour preuve, dès sa première prise de parole, Donald Trump s’est jeté à bras raccourcis sur l’Allemagne d’Angela Merkel en l’accusant d’être «prisonnière de la Russie (parce qu’elle lui) paie des milliards de dollars pour ses approvisionnements en énergie (…), l’Allemagne est totalement contrôlée par la Russie». Des propos qui ont fait réagir la chancelière et le président français. La venue de Trump au sommet a donné des sueurs froides aux Européens. Le doigt sur la gâchette, le cow-boy de la Maison Blanche sait qu’il met mal à l’aise ses alliés par des déclarations qu’il fait à tort et à travers sur tous les sujets européens. Trump ne s’était pas gêné pour dire à la face du SG de l’OTAN qu’il n’est pas normal que l’Allemagne tire 60% de son énergie de la Russie. Jens Stoltenberg lui a répondu d’une manière implicite : «J’espère que nous pourrons avoir pendant le sommet des discussions franches et honnêtes sur les désaccords et les divergences de vues, mais il est de mon devoir de réduire leur impact sur l’Otan afin que l’Alliance puisse demeurer la pierre angulaire de la sécurité transatlantique». Avant même qu’il n’atterri à Bruxelles, Trump avait twitté sa «préférence pour Poutine» par rapport à ses alliés. Il a estimé que sa rencontre avec le président russe (le 16 juillet dernier à Helsinki) pouvait être «plus facile» que le sommet de l’OTAN. Avec une franchise qui contredit les usages diplomatiques, le président du Conseil européen, Donald Tusk, lui a fait savoir que ses critiques étaient «déplaisantes » et lui a demandé de «mieux considérer ses alliés». Volte-face du président américain dans la conférence de presse qu’il avait animée à la fin du sommet. Il a fait part de ses entretiens à Bruxelles avec la chancelière allemande en soulignant que «(….), nous avons de très bonnes relations avec l’Allemagne». Il faut dire que Trump ne s’encombre pas des commentaires ou des réponses de ses alliés. Les Européens savaient qu’il était venu à Bruxelles pour dire ce qu’il pensait d’eux.

Diviser pour régner, une devise en vogue

Trump souffle ainsi le chaud et le froid, pas pour se distraire, (quoi que !), mais pour diviser ses alliés et avoir plus de marge de manœuvre pour affirmer sa suprématie. Il semble faire de l’adage «diviser pour régner» sa devise. Les arguments ne lui manquent pas. «Les Etats-Unis paient plus que tous les alliés ; ce n’est pas juste pour le contribuable américain», a été sa diatribe contre la grande majorité des Etats européens qui refusent de mettre la main à la poche. «Il paie plus que tout le monde, il n’a pas tort», avouent des responsables de l’Alliance.

Dans la déclaration finale du sommet de Bruxelles, les alliés affirment qu’un «partage équitable des charges est le fondement de la cohésion, de la solidarité et de la crédibilité de l’Alliance (…)». Ils soulignent que «depuis le sommet de Galles (4-5 septembre 2014), les dépenses de défense hors Etats-Unis ayant augmenté en valeur réelle pendant quatre années consécutives, tous les alliés ont commencé à accroître leurs dépenses de défense(…), et les deux tiers d’entre eux environ ont établi au niveau national des plans pour dépenser 2% de leur produit intérieur brut d’ici à 2024.

Plus de la moitié des alliés consacrent plus de 20% de leurs dépenses de défense aux équipements majeurs(…) 24 alliés atteindront le seuil de 20% d’ici 2024». La déclaration note aussi que «les alliés mettent davantage de capacités plus lourdes (…), ils améliorent la préparation, la déployabilité, la soutenabilité et l’interopérabilité de leurs forces, le nombre d’activités auxquelles nous participons augmente, et les alliés continuent d’apporter de précieuses contributions en forces et en capacités, qui bénéficient à la sécurité de la zone euro-atlantique dans le cadre des opérations, missions et autres activités de l’OTAN (…)» Ce qui ne les empêche pas d’avouer qu’ «il reste beaucoup à faire. Nous sommes déterminés à mieux équilibrer le partage des dépenses et des responsabilités entre les pays membres». Ceci étant, en payant moins, les Européens permettent aux Américains d’être les maîtres du jeu.

Du plan Marshall aux dépenses de défense

Une attitude qui consolide effectivement la suprématie américaine sur l’OTAN même si les alliés refusent de l’admettre.

De l’essence même du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après la 2ème Guerre mondiale jusqu’aux inégalités actuelles de paiement des dépenses de défense, il y a comme une Europe qui accepte de restée inféodée aux Etats-Unis et à leurs politiques de va-t-en-guerre.

Les remontrances de Trump ont obligé les Européens à placer «le partage des contraintes financières» comme un des points bien en vue au sommet de Bruxelles. «On en discute depuis 6 ans», avoue-t-on.

Sur les 29 membres de l’OTAN, 22 sont membres de l’Union européenne. «Ce qui ne signifie pas qu’ils ont les mêmes intérêts politiques et les mêmes objectifs», reconnaissent des responsables de l’Alliance. Les divisions entre les alliés ne sont donc pas une vue de l’esprit. L’OTAN et l’UE ont d’ailleurs tenu à signer un mémorandum d’entente pour soutenir une coopération transversale entre les deux organisations et resserrer les rangs. «C’est le résultat d’un travail qui a duré 3 ans, le travail entre nous n’a pas été spontané, ni facile», indiquent des responsables de l’Alliance. Ils avouent que «la bureaucratie est un goulot d’étranglement même dans ce nouveau siège». Ils pensent cependant qu’il existe une complémentarité entre l’OTAN et l’UE. Pour ne pas s’élargir de l’emprise des Etats-Unis, l’UE ferait bien de ne plus penser à la création d’une armée européenne. «C’est une idée qui se dilue, les déclarations à ce sujet vont se faire rares», notent des responsables de l’Alliance.

Autre sujet de discorde entre les Etats-Unis et les Européens, «il y a beaucoup d’écarts entre la politique de Trump vis-à-vis de Poutine et les alliés européens», relèvent-ils encore. Ils craignent qu’un jour «Trump vient nous dire que Poutine est son ami et que l’OTAN ne sert plus à rien ; tout est possible». Ils essaient cependant de rester optimistes en soutenant qu’«on ne devance pas les événements, les chefs d’Etats passent, l’OTAN reste, elle existe depuis 1949(…)». Rivalité entre l’OTAN et l’UE ? «L’OTAN a 70 ans !», disent-ils.