Soirées ramadhanesques : Bab el oued by night

Soirées ramadhanesques : Bab el oued by night

L’ambiance nostalgique qui fait jonction entre la tradition et la modernité, distingue les habitants de Bab El Oued depuis l’époque coloniale.

Contrairement à ceux et celles qui gardent toujours des idées noires sur ce fameux quartier populaire de la capitale, Bab El Oued a beaucoup changé. L’ambiance de la vie nocturne que connaît ce fameux quartier date depuis plus d’un siècle et, de nos jours, cela va dans le bon sens, au point de devenir comme une culture et un mode de vie incontournable durant ce mois de Ramadhan 2014 plus précisément. Une heure environ après le f’tour, ce sont des centaines, voire des milliers de personnes composées de familles qui passent leur soirée le long du Front de mer qui commence du Bastion 23, jusqu’au tout nouveau stade Ferhani de Bab El Oued.

Baptisé «tourisme des plages», Semahi Chérif, commerçant, venu de Ouargla, qui fait dans la promotion de son produit depuis 1995 à travers plusieurs plages du pays, avant d’installer sa kheima à Bab El Oued, sur une placette située face au stade Ferhani, ne manque pas de faire appel aux autorités locales afin de répondre à ses besoins. «Dans ce cas de figure, on devrait plutôt m’encourager. J’ai payé la location à raison de 200 DA le mètre carré pour le mois, mais, malheureusement, il n’y a ni eau, ni électricité à l’intérieur de la kheima», déplore-t-il.

Pointant du doigt les familles qui viennent y prendre place et faute de lumière et d’eau, font demi-tour, cet opérateur modeste, propose du thé à 30 DA, au même prix pratiqué dans les cafés, alors qu’il devrait au moins couvrir les frais de location. Occupant la part du lion des espaces de la place El Kettani, les manèges pour enfants constituent une double aubaine pour les jeunes qui louent les voiturettes pour les enfants en bas âge à raison de 100 DA contre des tours de quelques minutes. Les parents dénoncent les prix des manèges. «C’est vrai que c’est un loisir pour les enfants, mais avec le prix, c’est trop.

Ça ne doit pas dépasser 50 DA, en contrepartie de quelques tours de quelques minutes», déplore Mohamed B. Partagés en groupes, les uns se portent sur les jeux de boules, la pêche au bord des rochers, d’autres sont concentrés sur les jeux de dominos et autres grillades en plein air, des balades nocturnes, sans pour autant omettre les quelques soirées chaâbies qui constituent les principales activités qui occupent le temps des familles, les hôtes du fameux quartier de Bab El Oued, animent et développent davantage les commerces qui affichent plein de clients et autres visiteurs à la recherche de nouveautés.

A 23h, la rue Mohamed Boukella qui va du siège de la Dgsn jusqu’à la place des Trois-Horloges, enregistre un retour du marché informel inhabituel. Occupant, non seulement les deux trottoirs, mais des marchandises entières composées de jeux pour enfants et autres produits en plastiques, sont exposés sur la route au point de créer des files d’attentes interminables en plus du blocage des entrées des commerces. Certaines personnes partent à Bab el oued par curiosité, d’autres pour des achats divers, des centaines de passagers viennent de tous les quartiers d’Alger pour faire leurs achats la nuit entière dans les magasins des quartiers qui restent ouverts jusqu’à 2h du matin et plus.

La nouvelle génération a pris conscience depuis. «Les choses ont changé. Ce n’est plus le temps où les voyous faisaient la loi dans tous les quartiers», lance un jeune de 25 ans à la place des Trois-Horloges au centre de Bab El Oued. L’installation des caméras de surveillance a influé très positivement sur la sécurité des citoyens. «J’ai fait la prison à deux reprises. Maintenant je sais ce que veut dire prison. Une fois, j’ai entendu qu’un jeune a été emprisonné pour 5 ans pour vol d’un portable. Les caméras de surveillance l’ont repéré de suite», révèle le même jeune qui dit tirer des leçons du passé.

Hacène Azmout, psychologue de formation et ancien sportif du Cross Montana en Belgique, enfant prodige de Bab El Oued, revient sur la qualité de vie et ce qui l’a motivé à rester vivre dans son quartier d’enfance. «Bab El Oued, c’est comme un grand village où on y trouve de tout. Je sors à minuit et je fais mes provisions à toute heure, de nuit comme de jour.», fera- t-il savoir.

La période de Bab El Oued qui faisait peur aux autres est révolue. Doté d’une culture commerciale digne de celle des grands commerçants, Kader B., journaliste, que nous avons rencontré à Bab El Oued, revient sur le secret du commerce qui fait la force des habitants de Bab El Oued. L’activité commerciale est liée à un capital de connaissances. Tout commence par l’accueil de qualité. «Beaucoup de commerçants ne savent pas comment se comporter, ils perdent les clients et ils se plaignent en même temps du manque à gagner qui va parfois jusqu’à la fermeture du commerce», souligne-t-il.

Les belles nuits du Ramadhan

Comme chaque année, des rencontres lors des dîners musicaux et conviviaux regroupent la communauté algérienne en France qui revient au bercail. Bab El Oued Café de Paris, est un espace de bonheur ramadhanesque qui se prolonge tout le mois sacré et ce, grâce au réseau Maghrebzine. Proposant une ambiance chaleureuse après la rupture du jeûne avec un accompagnement musical diversifié, notamment, chaâbi, andalou, algérois, marocain oriental, les soirées artistiques, sont des moments inoubliables. Chaque samedi, un artiste de talent vient proposer un répertoire musical de son crû.

La soirée du 5 Juillet dernier qui a coïncidé avec la célébration du double anniversaire de la Fête de l’indépendance algérienne et de la jeunesse, Hafid Djemaï de Barbès Café, a fait l’ouverture du spectacle dans les meilleures conditions qu’elles soient, selon des témoignages.

Du coup, l’on pourrait déduire que les dîners du Ramadan permettent avant tout aux personnes intéressées de se retrouver de façon conviviale pour rompre le jeûne dans une ambiance propice à l’échange et à la communication. «Nous sommes convaincus que les événements festifs et moments de réflexion sont l’occasion d’affiner notre regard sur des cultures souvent réduites à leurs aspects traditionnels et de découvrir des artistes tenants de civilisations amenées à dialoguer», a indiqué l’animatrice du réseau Selectmaghreb coorganisatrice, lors d’une de ses dernières soirées de Ramadhan.

A ses yeux, le fait d’accueillir durant ces soirées de grands noms de la musique chaabie permet de restituer une ambiance qui rappelle «la Qaâda algérienne», ajoute-t-elle. A la question de savoir si elle n’appréhendait pas une défection du public, tout en sachant que la rupture du jeûne à Paris a lieu aux environs de 22 h, Mme Zéraoui dira: «De plus en plus de personnes dînent à l’extérieur durant le mois de Ramadhan», dont essentiellement des célibataires ou de jeunes couples travaillant dur et qui n’ont pas le temps de cuisiner ou qui veulent dédier une soirée de la semaine à un repas entre amis.

C’est aussi valable pour les mères de famille qui souhaitent ne pas préparer le repas du week-end et aller dîner en famille.» L’initiative, renouvelée chaque année, intervient au moment où l’animation ramadhanesque nocturne à Paris est quasiment absente à cause de l’absence de public.

L’animatrice de Selectmaghreb estime que le mois de Ramadhan à Paris «c’est aussi l’occasion de dialoguer avec les autres cultures, montrer aux Parisiens la richesse de la culture et valeurs civilisatrionnelles du peuple algérien». Installé au Front de mer et à quelques dizaines de mètres de la polyclinique Abderrahmane-Mira, un grand chapiteau assure des centaines de repas à l’appel de l’adhane du Maghreb.

La soirée de jeudi dernier a été clôturée au Bastion 23, où des chanteurs du genre chaâbi à l’exemple de Mohamed Agrioui, a offert un des plus beaux spectacles à nombre de familles et fans du chaâbi venus y assister.