Abdelmadjid Azzi, ancien secrétaire général de la Fédération des retraités (FNTR), est auteur du livre “Le mouvement syndical algérien à l’épreuve de l’indépendance” (éditions Alger-Livres, 2012).
Liberté : Lors des dernières Assises nationales sur la santé, l’idée de rattacher la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas) au secteur de la santé a été avancée, suscitant alors la polémique. Votre avis sur le rattachement ?
Abdelmadjid Azzi : Il faut d’abord revenir aux fondamentaux. Selon la loi, la Sécurité sociale est un organisme autonome financièrement et organiquement, qui a un conseil d’administration où siègent les cotisants, c’est-à-dire les travailleurs et employeurs. L’Etat est présent en tant qu’employeur public, à travers ses deux représentants de la Fonction publique. Or, depuis 15 ans, c’est le ministère de tutelle qui gère la sécurité sociale à la place des cotisants. La tutelle ne veille pas à ce que ce conseil joue son rôle, tel que prévu par la loi. Normalement, le ministère de tutelle n’intervient que pour le budget, qui est adopté par le conseil d’administration. Et s’il y a litige, c’est au tribunal administratif de trancher.
Or, la loi a été mise de côté, et c’est le ministère de tutelle qui gère pratiquement les caisses de la sécurité sociale. La Sécurité sociale a toujours été rattachée au ministère du Travail et de la Protection sociale, exception faite du temps de Mohamed-Salah Mentouri, alors ministre de la Santé (dans le gouvernement d’Ahmed Ghezali, ndlr). A l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’intérêt…
Ce n’est pas le cas aujourd’hui ?
Aujourd’hui, le système de la Sécurité sociale comprend plusieurs caisses nationales, celle des salariés, celle des non-salariés, il y a aussi la Caisse d’assurance chômage, etc. Il y a de l’argent évidemment… Et on dit que l’Etat renfloue les caisses… C’est faux !
L’État verse bien de l’argent pour les retraités, on parle même de caisses déficitaires… ?
Certes, l’Etat verse une contrepartie pour les moudjahidine, et pour les pensions de moins de 75% du SNMG, il prend en charge le différentiel. Donc, l’Etat verse de l’argent, mais pas à l’ensemble des retraités. C’est ciblé. Toutes les caisses de la Sécurité sociale ne sont pas déficitaires.
Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve contraire ! Cela dit, il ne faut pas oublier le rôle essentiel du ministère du Travail, qui est de contrôler les employeurs qui ne déclarent pas leurs employés. Or, 50% des emplois en Algérie ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale, sans compter le travail informel. C’est de la responsabilité du ministère du Travail.
J’aimerais ajouter, concernant le ministère de la Santé, qu’il reçoit chaque année une somme forfaitaire, inscrite dans la loi de finances, pour payer les prestations fournies aux assurés sociaux. Bien que la loi stipule que la médecine est gratuite pour tous, y compris les plus nantis, les travailleurs cotisants paient indirectement les prestations fournies par la Santé. Depuis qu’on a décrété la médecine gratuite, on a supprimé la relation contractuelle entre la Sécurité sociale et la santé (hôpitaux). Aujourd’hui, c’est tout le monde qui bénéficie des soins gratuitement. On voudrait revenir à cette relation contractuelle pour permettre aux travailleurs qui cotisent d’être mieux traités dans les hôpitaux publics.
Finalement, à quoi pourrait servir le rattachement de la Sécurité sociale au ministère de la Santé ?
A puiser dans l’argent de la Sécurité sociale, à se servir… De la sorte, la Sécurité sociale paiera pour les assurés et pour les non-assurés.
H. A.