SNCM : après douze jours de grève, l’impasse

SNCM : après douze jours de grève, l’impasse

Onze jours de grève

Le conflit, pourtant annoncé un mois avant, a débuté le 24 juin, stoppant les huit navires de la SNCM. La compagnie, qui compte 2 000 salariés (et en fait vivre autant en sous-traitance), assure des liaisons entre le continent et la Corse et deux pays du Maghreb (Tunisie, Algérie). Les grévistes bloquent aussi, à Marseille, depuis mardi, l’un des trois navires de la Compagnie méridionale de navigation, partenaire dans la desserte de la Corse. La tension est montée d’un cran, jeudi soir, quand des professionnels corses s’en sont pris à un navire en grève.

Côté passagers, malgré quelques ratés pour les voyageurs à destination du Maghreb, pas de cohue à Marseille : des solutions sont proposées à tous les clients. La Méridionale a transféré ses deux autres bateaux à Toulon. Le concurrent low cost Corsica Ferries déploie par ailleurs une offre nourrie au départ de Toulon et Nice.

Un énième conflit ?

Pas seulement. Réputée pour déclencher une grève pour un oui ou pour un non, la CGT de la SNCM s’était tenue à carreau en 2013, jouant, avec le syndicat de cadres CFE-CGC, la carte des négociations. La tactique a semblé payer. L’ancien patron, Marc Dufour, avait obtenu des marins un pacte social améliorant la productivité.

En échange, la SNCM devait compter sur quatre navires neufs, écolos (au gaz) et plus rentables que la flotte actuelle. Après avoir dit « oui » à cette commande sous réserve qu’elle soit financée par des investisseurs extérieurs, l’actionnaire majoritaire, Transdev, a décidé de s’y opposer et a débarqué Marc Dufour fin mai.

Son but : se désengager coûte que coûte de la compagnie avant la fin de l’année. Elle a déjà programmé dans ses comptes une procédure devant le tribunal de commerce. Les grévistes jouent donc une ultime carte pour espérer que la compagnie ne soit pas liquidée.

Le gouvernement dans le viseur

L’État est actionnaire à 25 % et, si l’on compte les 50 % que la Caisse des dépôts détient, aux côtés de Veolia, dans Transdev, la SNCM est, de fait, une société majoritairement publique. Les grévistes ciblent le gouvernement car il a fait des promesses écrites, signées par l’ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault et le secrétaire d’État aux Transports Frédéric Cuvillier, promettant la commande des navires neufs avant le 30 juin. Une lettre d’intention a été négociée avec le chantier STX de Saint-Nazaire. Le gouvernement prend désormais prétexte de l’impossibilité de les financer pour se renier.

L’épée de Damoclès de l’Europe

À cause de deux amendes européennes, la compagnie doit payer un maximum de 440 millions d’euros, un tiers de plus que son chiffre d’affaires. Bruxelles, après les avoir initialement validées, oblige la compagnie à rembourser 220 millions d’euros d’aides perçues en 2006 lors de sa privatisation par le gouvernement Villepin. Une deuxième amende équivalente, issue elle aussi d’une procédure engagée par Corsica Ferries, est moins certaine : de solides arguments juridiques laissent espérer que la SNCM y échappe.

Des solutions ?

Deux repreneurs (le Mexicain Baja Ferries et un pool d’investisseurs mené par l’armateur Christian Garin) sont sur les rangs. Mais pour une SNCM amaigrie. Et ce, malgré les sombres perspectives financières de la compagnie. De son côté, l’État, sans le dire officiellement, a fait le choix de ne plus soutenir la SNCM. Après l’échec cuisant du PS aux municipales marseillaises, la paix civile en Corse (où la fin de la SNCM suscite des appétits pour une compagnie régionale) est privilégiée au sort de centaines de salariés marseillais.