Smaïn Kouadria, membre du conseil exécutif national de l’UGTA et député du Parti des travailleurs, très controversé par les uns et adulé par d’autres, a passé 25 ans de sa vie dans les méandres du complexe sidérurgique d’El Hadjar. M. Kouadria dresse, à travers cet entretien, un sévère réquisitoire de la gestion «catastrophique» des dirigeants d’ArcelorMittal mais fonde beaucoup d’espoirs sur l’intervention de l’Etat pour sauver ce pôle sidérurgique algérien en déperdition. Le Temps d’Algérie : Pouvez-vous nous parler de la commission mixte, gouvernement algérien et responsables d’ArcelorMittal, installée dernièrement ? Smaïn Kouadria : Le gouvernement algérien a effectivement mis en place, début janvier, un groupe de travail mixte composé, pour la partie algérienne, de Messaoud Chettih, ex-PDG du groupe Sider, de l’ex-ministre de l’Industrie Mohamed Yassine, et de Driss Tanjaoui, mais aussi du PDG actuel du groupe Sider. ArcelorMittal a désigné le responsable du groupe en Afrique du Nord, détaché de cette fonction pour la circonstance, Serge Dubois, représentant AMA en Algérie. Quelle est la mission de ce groupe de travail ? Le gouvernement algérien a sollicité en premier lieu une expertise internationale de Laplace Conseil, dont le siège est Paris. Le premier compte-rendu de cette expertise impose la sidérurgie moderne au détriment de la traditionnelle vers la transformation des aciéries et DRI (réduction directe) fonctionnant à base de gaz naturel. Cette option est difficile à réaliser pour plusieurs raisons. Quelles sont ces raisons ? Cette option de sidérurgique moderne a un impact social négatif, cela nécessite la compression de 2000 ouvriers. L’Algérie ne dispose pas de minerai enrichi en quantité voulue, le port d’Annaba est exigu et sous-équipé et également à cause de la fermeture des mines de l’Ouenza et Boukhadra dans la wilaya de Tébessa. Quelle a été donc la démarche du gouvernement algérien ? La démarche du gouvernement algérien technico-économique est basée sur l’aspect social qui ne cadre pas avec la totalité de l’expertise. Il a donné des orientations pour la jonction entre la classique et la sidérurgie moderne et le plan d’investissement sera revu et corrigé par la création d’une unité d’enrichissement du minerai. Quant au plan d’investissement, il dépassera sûrement les 500 millions de dollars. Il est fixé un délai de trois semaines à ce groupe mixte pour finaliser le dossier basé sur une expertise revue et corrigée selon les orientations du gouvernement, d’une part, et la recapitalisation de l’aspect financier, d’autre part. Le groupe AMA est-il prêt à intégrer cette démarche ? Le groupe ArcelorMittal est dans une situation critique et il est entraîné dans une crise mondiale aiguë. Pour preuve, la fermeture de plusieurs sites en Europe, en France et en Belgique, mais aussi en Espagne. En 2011, son déficit était de 2 millions de dollars avec un niveau d’endettement global de 22 milliards de dollars. Ainsi le groupe a adopté une politique de désinvestissement total. D’ailleurs, le partenariat avec ArcelorMittal est un échec total. Ces données ont permis à l’Etat de prendre le taureau par les cornes et de décider de reprendre la majorité des actions en déboursant 200 millions de dollars, nécessaires pour l’augmentation du capital du complexe d’El Hadjar. Cette augmentation du capital permettra l’acquisition d’un important crédit bancaire pour enclencher le plan de redressement. Le marché algérien aura besoin de 10 millions de tonnes de produits sidérurgiques, cela équivaut à une facture salée de 10 millions de dollars. Le lancement des projets de Bellara en partenariat avec les Qataris et celui d’Oran avec l’entreprise turque Tosyali ainsi que les aciéries du Centre permettra avec la production de l’usine d’El Hadjar de couvrir les besoins du marché algérien. Le groupe dans son dernier communiqué affirme ne pas être prêt à céder ses actions ? En cas de refus des actionnaires de céder leurs parts, l’Etat va utiliser le droit de préemption de l’article 75 de la loi de finances complémentaire de 2009, c’est le cas de l’affaire Orascom. Etes-vous optimiste pour l’avenir du complexe d’El Hadjar ? La décision du nouveau gouvernement de reprendre le contrôle majoritairement de l’usine sidérurgique d’El Hadjar a été accueillie avec satisfaction par les travailleurs. Ainsi l’Etat a fait preuve d’une démarche technico-économique avec approche sociale avec des perspectives de véritable relance économique. Entretien réalisé par A. Ighil |