Rendez-vous fortement ancré dans le calendrier culturel des Algériens, le Salon international du livre d’Alger se tiendra du 21 septembre au 1er octobre prochain au complexe olympique Mohamed, Boudiaf sous un immense chapiteau.
L’opérateur de téléphonie mobile Nedjma marque une nouvelle fois sa volonté de promouvoir ce pilier de la culture qu’est le livre et prend part en tant que Sponsor Gold et pour la deuxième année consécutive, au plus important rendez-vous culturel de la rentrée. Ce salon a pour ambition de réunir des éditeurs algériens et étrangers. Placé sous le haut patronage du président de la République et organisé par le ministère de la Culture, le Salon international du livre d’Alger a pour commissaire Smaïn Ameziane, directeur des Editions Casbah.
Ce dernier, lors d’une conférence animée hier matin à la Bibliothèque nationale d’El Hamma a indiqué que le Sila accueille cette année 521 éditeurs dont 145 algériens et 376 étrangers. 32 pays issus de toutes les régions du globe, seront présents à ce grand rendez-vous livresque qui a mobilisé près de 20.000 m² de surface et une logistique considérable, en plus de 2000 m² supplémentaires. L’Égypte sera en force avec près de 70 éditeurs. Avec le Liban comme invité d’honneur, la 16e édition du Salon international d’Alger (Sila) met en scène une des littératures les plus remarquables du Monde arabe. Certains des auteurs du pays du Cèdre bénéficient d’une notoriété internationale parfois ancienne. C’est le cas de Faris Chidyak (1804-1887), à la fois écrivain, linguiste, journaliste et traducteur, considéré comme un pionnier de la littérature arabe moderne. C’est aussi le cas de Gibran Khalil Gibran dont les oeuvres font partie des fleurons mondiaux. On peut citer également, parmi d’autres encore, le nom de Boutros El Boustani qui confirme l’origine des Lettres libanaises au XIXe siècle. Parmi les pays participant pour la première fois au Sila, on citera la Russie et l’Ukraine.
Chaque année les prix élevés des livres font du bruit. A cela le commissaire du Sila répond: «Les éditeurs sont d’abord des entreprises économiques. Ils viennent pour vendre. C’est d’abord du business. Ne soyons pas philanthropes. Les prix sont fixés en fonction du pouvoir d’achat de chaque pays.» M. Smaïl Ameziane regrettera aussi l’absence du Snel dont un courrier envoyé à leur adresse est resté sans réponse.
«Pas de censure au Sila»
Aux dernières nouvelles, des réserves ont été émises pour plus de 400 titres qui devaient être présentés, a indiqué dimanche à Alger le directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture, Rachid Hadj Nacer.
Pour faire taire toute les allégations, M. Ameziane fera remarquer qu’«il n y a pas de censure. Le salon n’est pas habilité et n’ a ni le pouvoir ni les moyens pour le faire. Il y a un comité de lecture chargé de contrôler le livre comme il en existe partout dans le monde. Il est constitué de plusieurs instances, des ministères de la Culture bien entendu mais aussi de l’Intérieur, de la Défense, des Affaires religieuses et ce sont des décrets de la République qui statuent contre les livres qui font notamment l’apologie du crime ou pas, etc.».
Placée sous le thème «Le livre délivre», cette nouvelle édition revêt ainsi un double sens, en termes «d’expression et de libération» affirme-t-on. Et Youssef Sayeh, le chargé du volet animation culturelle européenne de souligner: «Au départ le mot d’ordre était en langue arabe. Il fallait l’adapter en français, il peut prendre en effet plusieurs interprétations.
Le livre nous délivre à la fois de l’analphabétisme et de l’obscurantisme mais il peut revêtir le sens de faire connaître l’autre et d’aller vers l’universel. Il nous semblait en français aussi bien en arabe que cela avait la même correspondance que ce soit pour le livre écrit par la nouvelle génération ou l’ancienne génération. Le livre délivre un message universel c’est pourquoi le Sila est un des importants salons au monde.» En effet, depuis son institutionnalisation par le ministère de la Culture en 2009, le salon a vu s’accroître sa capacité d’attraction du public comme le nombre de professionnels du livre.
En comparaison avec la précédente édition, celle de 2010 avait permis notamment de relever: une fréquentation très élevée, dépassant 1.200.000 visiteurs avec des pics de 200.000 entrées quotidiennes qui ont nécessité une gestion adaptée des flux au plan de l’accueil et de la prise en charge, une augmentation notable (environ 30% par rapport à 2009) de la participation des exposants, ainsi qu’une extension de leurs origines géographiques et de leurs spécialités; un espace accru (20.000 m² sous chapiteau) et un meilleur aménagement des surfaces d’exposition, des voies de circulation et espaces spécialisés, enfin, et c’est là l’essentiel de sa mission, un programme d’animation culturelle étoffé avec des personnalités de premier plan du monde des lettres et du savoir. Deux atouts peuvent être signalés pour appuyer cette évolution, nous signale-t-on sur le site Web du Sila: s’il est le plus important, le Sila n’est plus le seul événement lié au livre et il s’inscrit désormais dans un dispositif national d’animation appelé à se diversifier (festivals nationaux connexes tels que le Feliv ou le Fidba; initiatives de salons locaux, régionaux ou spécialisés; généralisation cette année à toutes les wilayas de la manifestation «Lire en fête»…).
«Nous nous acheminons donc vers une configuration semblable à celle d’autres pays où le Salon international du livre se situe comme le moment privilégié d’une animation globale, décentralisée et régulière. L’avancement de l’important programme de construction et de réhabilitation de bibliothèques dans le pays (qui deviennent d’ailleurs des visiteurs de plus en plus présents et actifs du Sila) renforce chaque jour le réseau de lecture publique et va, à terme, modifier les comportements à l’égard du livre qui sera de moins en moins lié au besoin d’achat et de possession, mais envisagé de plus en plus à travers la lecture publique et donc le prêt en bibliothèque» pouvons-nous lire encore. S’agissant des problèmes d’acheminements des livres vers le chapiteau, là encore M. Smaïl Ameziane a été formel hier matin: «Tous les livres étaient au port le 1er septembre. 90% sont déjà au niveau des stands et le reste le sera à partir de demain, avant midi.»Grande fête du livre, le Sila est appelé à se renforcer et à évoluer avec son époque. C’est la mission que son comité s’efforce d’honorer, nous assure-t-on. Ne dérogeant pas à la règle, le 16e Salon international du livre d’Alger se veut tout aussi riche en activités et animations culturelles avec de nombreuses tables rondes, conférences-débats et autres ventes-dédicaces.
Yasmina Khadra viendra, viendra pas?
Cette année, un coup de projecteur est donné sur les écrivains algériens vivant à l’étranger et qui font parler d’eux dans le monde. Ces derniers ne viendront pas les mains vides. Certains présenteront en exclusivité leurs derniers ouvrages tandis que d’autres animeront des conférences au grand bonheur des lecteurs qui seront ravis d’acquérir ces livres fraîchement «débarqués» à Alger. On dénombre aussi une centaine d’invités, entre Algériens et étrangers qui seront amenés à confronter et échanger leurs idées «dans une sorte de résidence d’écriture informelle» dira Yousef Sayeh. Parmi eux on peut citer Malek Alloula.
Outre la poésie, il est également l’auteur de textes écrits pour de beaux livres de photographie ou d’art et qui sont devenus des références, comme Le Harem colonial, images d’un sous-érotisme (1981, réédité en 2001). Malek Alloula se consacre aussi à la mémoire et l’oeuvre de son frère, le dramaturge Abdelkader Alloula, assassiné en 1994. En 2009, il effectue un retour en politique, se voyant confier des missions internationales par le Parlement européen, notamment au Proche-Orient et dans les pays du Golfe. Il abandonne tous ses mandats en juin dernier pour se consacrer à sa nouvelle charge de Défenseur des droits. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, entre essais, oeuvres littéraires et biographies romancées où sa passion de l’histoire transparaît. Omar Azradji, Dominique Baudis. Yahia Belaskri, sociologue oranais auteur de plusieurs livres, Anouar Benmalek qui n’est plus à présenter, Maïssa Bey, Breyten Breytenbach qui est poète, écrivain, dramaturge, peintre et aquarelliste. Il est Sud-Africain d’origine et citoyen français, qui écrit tant dans sa langue maternelle (l’afrikaans) qu’en anglais, l’Italien Valerio De Cesaris, Abdekader Djemaï, Mohamed Kacimi, Fadéla M’Rabet, Waciny Laredj, Malika Mokkedem, Edgar Morin, éminent sociologue et philosophe français, Jaber Osfour, ancien ministre égyptien de la Culture qui possède plusieurs livres de critiques, le Chilien Osvaldo Rodriguez Perz, le Russe German Sadulaev, l’Egyptien, Mohamed Salmaoui, l’humoriste Smaïn toujours prêt à venir en son pays natal, il est au Sila pour présenter son autobiographie, Je reviens me chercher (Lafont, 2011). Youcef Tounsi etc. S’agissant de la présence de l’écrivain Yasmina Khadra, celle-ci est finalement hypothétique en raison de sa campagne promotionnelle de son nouveau livre L’Equation africaine, qui le retient en France. Un agenda sans doute surbouquée qui, pour l’instant, met en péril sa venue à Alger durant le Sila. «Yasmina Khadra a bien émis le souhait d’être au Sila. On attend ses dates», a avoué M. Ameziane.
L’esprit Panaf
«Lettres du continent» est le nom attribué cette année au pavillon Esprit Panaf. La présence incontournable de cet espace indique à quel point «l’Algérie se veut africaine, cassant ce préjugé de deux Afriques, une blanche et une noire. La XVIe édition du Sila inscrit clairement cette orientation Sud-Sud afin de valoriser la parole et l’écrit africains, d’autant plus que cinquante ans après les indépendances, les littératures post-coloniales africaines se sont affirmées sur le plan international», affirme-t-on.
Tout au long des journées du Salon international du livre d’Alger, des conférences, des débats sont programmés avec les professionnels du livre: auteurs, éditeurs, critiques littéraires, universitaires. Les évolutions littéraires seront en débat, les richesses culturelles du continent africain seront valorisées, le rôle d’éveilleurs de consciences et de passeurs de culture des écrivains africains sera discuté, la parole des femmes africaines sera entendue car ces dernières sont de plus en plus présentes dans le champ sociétal en faisant entendre leurs voix. «Il s’agira d’une correspondance et d’édification de ce qui unit le continent. La nouveauté est la présence du In (au niveau du stand) et du of (activités en dehors)
En plus de trois rencontres, un forum et l’installation d’un écran plasma pour suivre des documentaires produits par la télé algérienne sur l’Afrique, ces invités africains seront conviés le 26 septembre au Mama pour rencontrer les artistes du Festival de la photographie et le lendemain au Bastion 23 pour assister à une déclamation poétique de l’ambassadeur du Cameroun et une dégustation de mets de ce pays. «Le livre se délivre pour aimer un peu plus», a confié Mariman Saâdoun, la responsable de ce pavillon.
«Pour ce qui est de l’Esprit Panaf, tant mieux qu’il soit reconduit, je pense que c’est une excellente idée d’avoir maintenu cette passerelle de livres dans cette parcelle. Etant donné que j’étais la première responsable du programme et des animations de l’année dernière pour l’Esprit Panaf, je peux te dire que c’est beaucoup de travail, surtout que notre continent n’a pas encore un réseau d’acheminement de livres, les informations sur les éditeurs qui éditent à partir de l’Afrique sont très éparses…enfin, malgré toutes ces difficultés, nous avons réussi, avec une équipe restreinte et dynamique, à programmer et éditer une revue L’Afrique parle livres, qui est d’une grande qualité, à organiser des débats au sein du stand Esprit Panaf, et franchement c’était très réussi et loin d’être du show africain. Donc, en connaissance des choses je ne peux que souhaiter bon courage à cette équipe et bienvenue aux invités de l’Esprit Panaf», nous confiera, pour sa part, Samia Zenadi des éditions Apic.
Le Printemps arabe fait l’actualité à Alger
Un colloque se tiendra en parallèle du Sila du 28 septembre au 1er octobre. Il est baptisé: «Le Monde arabe en ébullition, révoltes ou révolutions?». Et quoi de mieux pour nous apporter analyses et éclaircissements sur leurs propres pays que des scientifiques et des universitaires? se demandait-on hier matin. A ce colloque qui, nous prévient-on, sera «plutôt académique que politique». D’éminents chercheurs et universitaires viendront confronter leurs idées. «Cela ne peut qu’être bénéfique et utile à notre élite universitaire» dira-t-on. L’invité d’honneur à ce colloque n’est autre que M. Lakhdar Brahimi, ex-ministre des Affaires étrangères. Pour en savoir plus, une conférence aura lieu au même endroit le 25 septembre prochain.