Smaïl Benamara a quitté jeudi son poste d’ambassadeur d’Algérie à Ottawa avec le sentiment du “devoir accompli”. Nommé en 2006, il sera remplacé par Hocine Meghar, directeur général de la communauté nationale à l’étranger au MAE. M. Benamara revient dans cet entretien sur son bilan et l’état des relations bilatérales.
Liberté : Monsieur l’ambassadeur, votre mandat au Canada arrive à échéance. Pouvez-vous nous brosser sommairement un tableau des grandes lignes de votre bilan au terme de neuf ans d’exercice ?
Smaïl Benamara : Vous savez, le travail diplomatique est un travail continu où chacun apporte sa contribution à un édifice sur le long terme. Mais il est vrai que nous avons eu une période faste dans nos relations bilatérales au cours des dernières années. Il y a tout d’abord les échanges de visites, celles notamment de la Gouverneure générale du Canada, Mme Michaelle Jean, en 2006. Ensuite, les deux visites du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en octobre 2008 au Sommet de la francophonie à Québec et au Sommet du G8 en juin 2010 à Muskoka à l’invitation du Premier ministre, Stephen Harper. De nombreuses visites ministérielles ont marqué également l’agenda diplomatique. Nous pouvons mentionner la visite du ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, à Alger, en septembre 2013, et celle de notre ministre M. Ramtane Lamamra, au Canada, en septembre 2014. En matière de coopération culturelle et universitaire, les nombreuses ententes signées entre les universités et le nombre en constante augmentation d’étudiants algériens au Canada témoignent de la densité des échanges dans ce domaine précis. L’ouverture de la ligne aérienne en 2007 qui relie Alger à Montréal et qui est passée en 2013 à un vol quotidien reste l’un des faits saillants du travail accompli. Sur un autre plan, permettez-moi, en ma qualité de représentant de l’Algérie à l’OIAC (Organisation internationale de l’aviation civile), de souligner la contribution appréciée de notre pays au travail normatif et de contrôle de cette organisation internationale dans le domaine du transport aérien.
L’Algérie est le principal partenaire du Canada dans la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Quel commentaire faites-vous sur le volume des échanges commerciaux entre les deux pays ?
Au plan économique, l’Algérie reste effectivement un partenaire privilégié au Canada avec un volume d’échanges évalués en milliards de dollars, avec une balance commerciale favorable à notre pays. D’ailleurs, le ministre des AE n’a pas manqué, lors de sa rencontre avec l’organisation patronale Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), de souligner l’excellence des relations économiques entre les deux pays. Une mission économique et commerciale sera organisée durant le premier semestre avec la participation de l’Alliance d’affaires Canada-Algérie. Bien entendu, il y a lieu d’encourager la diversification des échanges commerciaux.
À titre indicatif, les échanges commerciaux sont évalués à 3,7 milliards de dollars en 2013. Ces échanges sont dominés par l’exportation des hydrocarbures, côté algérien, et les céréales, côté canadien. Pourquoi la diversification de ces échanges peine-t-elle à se concrétiser ?
La diversification des échanges est tributaire de la capacité de notre économie à produire et à placer des produits hors hydrocarbures sur les marchés extérieurs. Cela a commencé au Canada avec certains produits de l’agroalimentaire, grâce notamment à la participation de l’Algérie au Salon international de l’agroalimentaire Sial de Montréal et de Toronto. De plus, la mission économique prévue en Algérie, cette année, est à même de booster la coopération économique entre les deux pays.
Comment appréhendez-vous les perspectives pour le proche avenir ?
La visite de M. Lamamra en septembre dernier a permis de tracer une feuille de route à la fois au plan du dialogue politique et de la lutte antiterroriste avec une importante rencontre programmée pour mars 2015. Sur le plan économique et commercial, il est prévu l’organisation d’une importante mission commerciale canadienne en Algérie au cours du premier semestre de l’année en cours. J’espère que la mission débouchera sur du concret. Mais il est évident que les relations excellentes entre l’Algérie et le Canada, et en particulier avec le Québec, vont continuer à se densifier et à se développer au cours des prochaines années.
Quelles appréciations portez-vous sur la communauté algérienne au Canada et son implication dans la société d’accueil ?
Tout le monde connaît la qualité de cette communauté en termes de qualifications et de compétences ; mais, permettez-moi de souligner également le grand potentiel qu’elle recèle en terme de disponibilité, de générosité et d’amour envers le pays d’origine. J’ai eu le plaisir de rencontrer beaucoup de nos compatriotes de Vancouver à Halifax, de Calgary à Toronto ou d’Ottawa à Montréal, et j’ai toujours été frappé par leur profond engagement envers l’Algérie. Ils sont certes exigeants, mais c’est une exigence saine et orientée vers le souci de l’amélioration et le désir d’excellence. Certains se sont investis pour aider les autres à une meilleure intégration socioéconomique et culturelle. Je citerai à titre d’exemple la fondation Club Avenir, la Fondation pour l’Action citoyenne, le Centre culturel algérien de Montréal, l’Acoah d’Ottawa, Enfants d’Algérie, les associations d’universitaires telles que Lecodev et le Rauc, etc. Je suis particulièrement reconnaissant du lien de confiance et du respect qui a été tissé avec les membres de notre communauté grâce, notamment, à cet évènement incontournable de la célébration régulière, festive et collective de la fête du 5-Juillet. Je suis persuadé que notre pays peut tirer davantage profit de cette diaspora qui ne souhaite qu’apporter sa contribution à l’effort de développement de notre pays.
Sinon, pour conclure, combien y a-t-il d’Algériens installés au Canada ?
Nous avons une communauté de plus en plus nombreuse au Canada, évaluée à environ 100 000 personnes, et qui fait d’elle la deuxième en importance après celle que nous avons en France. Je profite de cette opportunité pour exprimer mes sincères remerciements pour toutes les marques de sympathie, amitiés et les cérémonies organisées à l’occasion de mon départ tant par les autorités canadiennes et québécoises que par les représentants de notre communauté qui ont tenu à me rencontrer avant mon départ que ce soit à Toronto, à Ottawa ou à Montréal.
Y .A.