Slimane Benaissa: «Arrivé au pouvoir, le dirigeant se soude à la chaise, soude la chaise au plancher et soude le plancher à l’Algérie»

Slimane Benaissa: «Arrivé au pouvoir, le dirigeant se soude à la chaise, soude la chaise au plancher et soude le plancher à l’Algérie»

L’espace d’une courte représentation théâtrale, Slimane Benaissa réussira à envouter son public venu voir son dernier né « El Moudja Walet (le retour de la vague)». C’est vrai que le public n’était pas nombreux, mais c’est déjà un exploit que de faire venir une cinquantaine de personnes assister à une pièce de théâtre dans cette Algérie fondamentaliste, certains diront salafistes de 2011. Cela s’est passé à la Sierra Maestra à Alger et cela durera jusqu’au 14 de ce mois, chaque soir à partir de 19 h 30.

Dans son monologue, Slimane Benaissa évoquera l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui. Il parlera de l’Algérie révolutionnaire, mais aussi de la traitrise des hommes. Il réussira à remettre de l’ordre dans le désordre de notre mémoire collective prise en charge par un système politique qui a dévoyé la vérité, élever au rang de héros d’illustres inconnus et jeter dans les oubliettes d’immenses noms qui ont servis l’Algérie et les algériens.

Dans un langage algérien à 100%, le dramaturge ne manquera pas de fustiger ceux qui nous dirigent actuellement passant à la moulinette tant le Président Abdelaziz Bouteflika décrit comme un personnage refusant de partir que son Premier Ministre Ahmed Ouyahia rêvant de le remplacer un jour. On avait l’impression que la description de la faune politique était suggérée par « l’automne du patriarche » de Gabriel Garcia Marquez. Un personnel sans foi ni loi, sans scrupules et sans envergure…qui a mené l’Algérie droit au mur.

« Le dirigeant chez nous lorsqu’il arrive au pouvoir commence par se souder à sa chaise, ensuite il soude la chaise au plancher et enfin il soude le plancher à l’Algérie. Ainsi s’il doit partir un jour, c’est toute l’Algérie qui partirait, » dira Slimane Benaissa qui comme a son accoutumé était vêtu d’un bleu de Shanghai.

Le public, ou plutôt une bande d’initiés qui continue de croire vaille que vaille que le théâtre c’est aussi de la culture le lui ont bien rendu a Slimane Benaissa par un standing ovation qui aura duré plusieurs minutes.

Un spectateur, la cinquantaine, se rappelle du bon vieux temps. « Dans les années 1980, réussir à obtenir un billet pour assister à une pièce de Slimane Benaissa relevait de l’exploit. On passait prés de 5 à 6 heures pour arracher le fameux sésame. C’était le temps de Babor Ghrak…c’était le temps ou la culture avait encore sa place.

Aujourd’hui la salle est quasiment vide, Benaissa n’a pas changé, il est égal à lui-même, c’est nous qui avons change, c’est nous qui avons régressé, et malheureusement cette régression n’a pas été féconde. »