Fin de la période de grâce pour le Premier ministre. A la tête de l’exécutif depuis plus de six mois, Abdelmalek Sellal tente d’imposer son style.
Sa décontraction affichée résistera-t-elle à l’épreuve du terrain ? Au défi récurrent de la croissance économique, aux conflits sociaux qui s’annoncent, le Premier ministre devra faire face à la montée de la contestation dans le sud du pays. Une épreuve de plus pour Sellal qui avait, dès son installation, tenté d’insuffler une dynamique nouvelle.
Du pragmatisme et un discours à la limite du populisme. Depuis qu’il a succédé à Ouyahia, Abdelmalek Sellal tente d’imposer un nouveau mode de gouvernance, bannissant les discours rébarbatifs, leur préférant une certaine proximité. Il avait entamé son mandat en affichant sa volonté de s’attaquer à la bureaucratie, de rétablir la notion de secteur public et d’assainir le climat des affaires. Au final, beaucoup de promesses et quelques mesures. En décembre dernier, il donnait un coup de pied dans la fourmilière en instruisant les banques de fluidifier le système bancaire, de simplifier les procédures d’ouverture des comptes bancaires et de faciliter l’octroi et la levée des crédits bancaires au profit des entreprises. Objectif : rendre le climat des affaires plus attractif. La tâche s’avère cependant ardue, en témoigne le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale qui classait l’Algérie à la 152e place, quasiment à la dernière place en ce qui concerne la facilité de lancement d’une entreprise, l’accès au crédit, l’obtention d’un permis de construire et les procédures liées au commerce extérieur. C’est dire que la tâche est ardue et que l’héritage de plusieurs décennies ne pourrait être effacé par de simples instructions. Sur le terrain social, les défis sont aussi grands. Plusieurs dossiers sont encore en suspens aussi bien dans la Fonction publique que dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Les syndicats continuent de brandir des plateformes de revendications non satisfaites.
Si les syndicats de la santé, par exemple, applaudissent la célérité avec laquelle le Premier ministre s’est emparé des dossiers, ils attendent la concrétisation des promesses par des textes répondant à leurs doléances. Le Premier ministre a pu également vérifier qu’en matière de communication, les traditions sont depuis longtemps établies et qu’il est difficile de les chambouler. En première ligne après l’attaque de Tiguentourine, le Premier ministre a dû expliquer, justifier les choix de l’Algérie face à un parterre de journalistes locaux et étrangers. Le ton particulièrement décontracté qu’il avait alors adopté avait laissé dubitatif. Conservera-t-il longtemps cette attitude plutôt détachée face à ce qui semble être l’un des premiers tests sérieux auquel il fait face, à savoir la contestation qui prend de l’ampleur dans le sud du pays.
Depuis Illizi, le Premier ministre affirmait que des parties aiguisaient les tensions dans le sud du pays. La tension est cependant bien réelle. La problématique de l’emploi a réveillé la fibre contestataire chez les chômeurs dans plusieurs villes du sud du pays. Face aux actions de contestation qui prennent de l’ampleur, le Premier ministre a pris une décision inédite mines dans les annales : des mesures spécifiques pour l’emploi dans le Sud sont désormais en vigueur. Les entreprises activant dans les régions du sud du pays devront à l’avenir accorder la priorité dans leur recrutement à la main-d’œuvre locale. Il a été également décidé d’accorder des crédits sans intérêts aux jeunes promoteurs et aux chômeurs de ces régions pour leur permettre de créer des micro-entreprises. Des mesures spécifiques qui n’ont pas apaisé la colère des milliers de jeunes qui se sont rassemblés à Ouargla pour dire leur colère d’être écartés du marché du travail. Sellal sera aujourd’hui à Béchar, où la problématique de l’emploi sera certainement posée avec en toile de fond de véritables enjeux politiques. Les risques de clivage entre le sud et le nord du pays inquiètent au plus haut lieu. Le gouvernement Sellal est particulièrement attendu sur cette question si sensible dans un contexte marqué par une instabilité dans le Sahel et les tentations d’instrumentalisation des mouvements de contestation. Le Premier ministre subit un test de taille au moment même où les révélations sur des affaires de corruption éclaboussent de hauts cadres, le tout sur fond de révision de la Constitution, mettant un terme définitif à la période de grâce.
N. I.