L’ancien Gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer, invité du Forum hebdomadaire de Liberté, a dressé mercredi un constat sans appel sur la situation politique et économique du pays, qui selon lui est entrain “de naviguer à vue” faute d’anticipation et de planification.
Et d’ailleurs il a regretté la disparition de l’organigramme du gouvernement du ministère du plan qui arrêtait à l’époque des plans de développement triennaux, quadriennaux, quinquennaux. Pour l’auteur de “La martingale algérienne” un livre qui a connu un front succès en librairie, la planification n’est pas forcément apanage de l’économie collectiviste de l’époque socialiste, car même les pays à économie libérale font de la planification.
Hadj Nasser se désolera aussi de l’absence de contre pouvoirs et d’institutions autonomes dans leurs fonctionnements en mesure de produire des réflexions sur la situation financière du pays, réduit de nous jours à fonctionner à la petite semaine. Il dénonce l’incapacité des décideurs produire une loi de finance pour une année entière et le recours systématique à des lois de fiance complémentaires. Faute de contre pouvoirs, insiste t-il le ministère des finances se retrouve avec un pouvoir qui dépasse son périmètre habituel.
Hadj Nasser a également évoqué l’informel dans les circuits économique. Loin de s’étonner, il considère, au contraire, ce phénomène comme le pendant de l’informel politique, à travers l’absence de légitimité réelle des institutions.
Au sujet la prochaine révision constitutionnelle, l’invité de Liberté n’a pas montré d’enthousiasme particulier, car pour lui “on est dans le formalisme”. Lui est partisan d’un débat public, car il s’agit de la première loi du pays. Tout comme il est aussi pour un débat public sur la politique énergétique du pays et la gestion des ressources financières générées par les hydrocarbures.
Concernant le phénomène de la corruption qui fait actuellement les “unes”des quotidiens, Hadj Nasser commence par relativiser un peu les choses en expliquant qu’il n’est pas une marque de fabrique spécifiquement algérienne. Elle existe dans tous les systèmes politiques.
Selon lui, les américains, pour citer leur exemple, utilisent bien la corruption dans la conclusion des contrats pour financer leurs services. C’est une corruption au service des institutions, de la société.
En Algérie, le problème est que cette corruption est au service des individus, des clans. Selon lui elle beaucoup plus importante que ce que les médias en disent. Au lieu d’une répartition objective de cette corruption, avec une partie pour la société, les clans en Algérie l’utilisent pour prendre pied dans l’oligarchie internationale. Le but, in fine, étant d’acquérir une légitimité internationale, à défaut d’une légitimité politique nationale.
Hadj Nasser est également revenu sur le phénomène de l’inflation pour dire que son niveau réel est bien plus élevé que le taux officiel. Entre autre cause de cet état de fait, les récentes augmentations de salaires avec les effets rétroactifs.
“Du jour au lendemain, des fonctionnaires se sont retrouvés avec des dizaines millions entre les mains, mais ces millions ne correspondent à aucune production”, relève t-il en qualifiant cette politique de quête de la paix sociale de purement “populiste et démagogique”.
Au sujet de l’argent prêté par l’Algérie au FMI, il considère la démarche plutôt positive. “C’est mieux que de les convertir en bon de trésor américains qu’on risque de perdre, estime t-il en se posant néanmoins la question de savoir si la position de l’Algérie sera renforcée au sein de cette institution, car il viendra ce jour où nous redeviendront à nouveau emprunteur”.