Situation en Libye,Kaddafi avance, le G8 recule

Situation en Libye,Kaddafi avance, le G8 recule

Au moment où les membres du G8, réunis hier à Paris, peinent à s’entendre sur une imposition par le Conseil de sécurité de l’Onu d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen pour neutraliser l’aviation gouvernementale, les forces du colonel Kaddafi continuent de gagner du terrain et se rapprochent d’Ajdabiah, dernière grande ville avant Benghazi, bastion des opposants au régime.

C’est ce qui a fait réagir Kaddafi en affirmant que les rebelles étaient en passe d’être vaincus et que le peuple libyen était à ses côtés. Hier dans la matinée, la ville de Ajdabiah, à l’est de la Libye et contrôlée par l’insurrection, a été la cible des forces gouvernementales qui ont mené plusieurs raids aériens et lancé l’artillerie lourde contre elle, faisant au moins trois morts et une quinzaine de blessés, selon des médecins.

En outre, dans la nuit de lundi à mardi, l’hôpital avait déjà reçu deux morts et un homme ayant eu une main arrachée. Ainsi, depuis la fin de la matinée, de nombreux tirs de batteries antiaériennes résonnaient à l’ouest de la ville, nœud de communication stratégique à 160 km au sud du siège de l’opposition à Benghazi et désormais en première ligne des combats entre forces gouvernementales et insurrection. En début d’après-midi, les rebelles revenant du front ont déclaré avoir essuyé de violents bombardements, tandis que le bruit des tirs de roquettes s’amplifiait dans le centre-ville.

A l’autre bout du pays, près de la frontière tunisienne, les forces kadhafistes ont mené un raid aérien dans ville de Zouara, où les forces de Kaddafi sont entrées la veille, laissant pour mort des dizaines de personnes. Alors qu’à Misrata à l’est de Tripoli toujours sous contrôle de la rébellion un «calme prudent» y régnait, selon des habitants.

A Benghazi, les insurgés restent confiants

Benghazi, deuxième ville du pays située à 160 km au nord d’Ajdabiya, pourrait vite se retrouver menacée. L’euphorie des premières semaines de la révolte semble céder la place à l’inquiétude, après que les forces gouvernementales aient repris l’une après l’autre plusieurs villes aux rebelles. En effet, la chute d’Ajdabiah permettrait aux forces gouvernementales d’encercler la ville de Benghazi, fief de l’insurrection, où siège le Conseil national libyen de transition.

Malgré la progression des forces loyales à Kaddafi ces derniers jours dans le golfe de Syrte, les insurgés ne semblent pas pour autant sombrer dans la panique.

La reprise des terminaux pétroliers de Ras Lanouf en fin de semaine dernière, puis de Brega au cours du week-end auraient pourtant dû commencer à affoler la population de la capitale de la révolution libyenne. Un des porte-parole du Conseil national provisoire de transition (CNT), rapporté par le quotidien français Le Figaro, affirmera à ce sujet que «Kaddafi ne dispose pas de beaucoup d’avions, et n’a que quelques milliers de soldats. Rien de suffisant pour tenir le terrain.

Encore moins pour menacer Benghazi». Et de poursuivre que «Sa seule (en référence à Kaddafi) capacité est d’effrayer les gens avec ses raids aériens. C’est pour cela que nous avons besoin d’une zone d’exclusion aérienne».

Ni zone d’exclusion, ni force de frappe aérienne pour le G8

La France n’a pas réussi à convaincre ses partenaires du G8 sur la nécessité d’une intervention militaire en Libye. Ainsi, le groupe des pays les plus industrialisés excluent la proposition de frappes aériennes, de zone d’exclusion aérienne et encore moins de livraison d’armes réclamé par le Conseil national de transition (CNT) libyen.

Aussi, les membres du G8 ont demandé à Paris de nouvelles mesures à l’ONU pour «accroître les pressions» sur Mouammar Kaddafi, a annoncé hier Alain Juppé à l’issue de leurs travaux. Néanmoins, cite l’AFP, les conclusions écrites de la réunion ne mentionnent pas l’option d’une zone d’exclusion aérienne, à laquelle plusieurs pays, dont l’Allemagne, se sont opposés.

«Les ministres ont demandé à Mouammar Kaddafi de respecter les légitimes revendications du peuple libyen concernant ses droits fondamentaux, la liberté d’expression et une forme représentative de gouvernement. Ils l’ont mis en garde contre les dramatiques conséquences d’un refus de sa part», indiquent ces conclusions.

En outre, «ils ont également décidé que le Conseil de sécurité devait accroître la pression pour inciter Mouammar Kaddafi à partir, y compris par des mesures économiques», ajoute-t-il. Alain Juppé avait fait savoir dès hier matin que les pays du G8 n’avaient pas pu se mettre d’accord sur le principe d’une intervention militaire en Libye, souhaitée par la France.

En revanche, les ministres du G8 se sont entendus sur un accord sur la relance des discussions au Conseil de sécurité de l’Onu pour d’éventuelles mesures économiques contre la Libye. A la demande de Paris, les 27 ont accepté également qu’une rencontre entre l’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue arabe ait lieu dans les prochains jours.

Par ailleurs, les dirigeants européens, dont l’Allemagne, qui refusent de discuter avec le CNT libyen, avaient simplement accepté d’«examiner toutes les actions nécessaires pourvu qu’il y ait un besoin démontrable, une base juridique claire et un support de la région».

Quant à l’Union européenne, elle dira attendre que le Conseil de sécurité de l’ONU fasse une résolution en ce sens et attend le soutien de la Ligue arabe qu’elle juge «nécessaire».

Possibilité d’une aide politique et économique américaine

La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, qui est arrivée hier à Paris pour prendre part à la réunion des chefs de la diplomatie du G8 présidée par la France, a évoqué la possibilité d’une aide économique et politique au Conseil national de transition (CNT) libyen, rapporte l’APS.

Toutefois, elle a refusé, lors d’une rencontre qu’elle a eue avec le responsable chargé des Affaires internationales de cette instance représentative de l’opposition libyenne Mahmoud Jibril, de lui promettre une aide militaire.

Paris et Londres, qui ont plaidé en vain pour une action militaire contre la Libye semblent isolés face aux réticences des autres pays du G8 pour une telle initiative.

S’agissant de la zone d’exclusion aérienne, les pays occidentaux et les Etats-Unis insistent sur la nécessité d’un mandat de l’ONU. Le Secrétaire d’Etat à la Défense, Robert Gates, pour sa part, se montrera incertain et s’interrogera sur «la sagesse» quant à l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen, «même si l’armée américaine et ses alliées ont la capacité de le faire». Une réticence que partageront également les membre de l’OTAN réunis vendredi à Bruxelles, estimant que la Libye «a plus besoin d’aide humanitaire et que l’action de l’Otan n’est pas encore venue».

Par Lynda N. Bourebrab