Situation des Droits de l’Homme : « Un recul dangereux depuis juin », selon des avocats

Situation des Droits de l’Homme : « Un recul dangereux depuis juin », selon des avocats

C’est un tableau sombre de la situation des droits de l’Homme qu’ont dressé les avocats Mostefa Bouchachi et Abdelhafid Tamert, qui parlent d’un « recul dangereux » depuis le mois de juin passé.

Dans l’introduction de leur intervention au forum de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) qui abordait « les droits en Algérie : situation et perspectives », les deux avocats ont dénoncé les atteintes aux droits des citoyens, enregistrés ces derniers mois dans le sillage du mouvement populaire pour le changement.

Ils ont ainsi pointé du doigt « la persécution et les arrestations de militants du mouvement associatif et de politiques et activistes, ainsi que des citoyens pour leurs implication dans le Hirak, sur fond d’atteintes répétées aux libertés d’expressions, d’interdictions de conférences et de forums sur l’espace public ».

Les deux conférenciers ont rappelé, par la même occasion, que l’Algérie a ratifié pourtant des conventions internationales, garantissant aux citoyens le droit de manifester et d’exprimer leurs opinions politiques.

Maître Bouchachi a estimé que ce recul des droits en Algérie a pris une propension plus inquiétante, trois mois après le début de la contestation citoyenne. « Ce recul et cette régression sont montés d’un cran trois mois après le déclenchement de la révolte populaire du 22 février », a noté Me Bouchachi.

Ce dernier précisera que « lors des trois premiers mois du Hirak, les militants politiques et associatifs organisaient des rencontres et conférences où les moyens de passage à une deuxième République, à un Etat de droit, ont été débattus en toute sérénité et liberté ». La donne a toutefois changé après le mois de juin, selon l’appréciation de l’ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH).

« Depuis le mois de juin, la donne a changé, les rencontres, les débats publics et autres conférences abordant la situation politique du pays et la demande de démocratie d’une façon générale, et qui vont à contresens du discours officiel, ont été interdits ou empêchés », souligne avec amertume Maître Bouchachi.

« On assiste à un dangereux recul en matière de droits de l’Homme, alors que c’est le moment propice pour leur évolution», note l’avocat pour qui «l’autorité judiciaire est exploitée à travers des poursuites infondées… » Il dénonce, à cet égard, le fait que « des jeunes se retrouvent en prison pour des faits qui ne sont pas passibles de peines ».

Pour sa part, Maître Toumert, « la dynamique impulsée par le Hirak devrait être une période plutôt propice à l’émergence des idées, des débats et de concrétiser ce qui ressort des rencontres des citoyens». L’avocat, par ailleurs membre du Conseil de l’ordre du Barreau d’Alger et président de l’Association des jeunes avocats algériens, a regretté « une remise en cause des acquis démocratiques arrachés par des Algériens », plaidant pour « la préservation de la dignité retrouvée depuis le 22 février ». « Ester des citoyens en justice pour des délits fictifs, comme le port du drapeau berbère, résulte d’une volonté de faire du Hirak une question de bannière identitaire ou d’une question propre à une région, alors que ces procès sont une atteinte à l’unité nationale », tonne M. Tamert.

« Il est primordial et crucial d’exploiter cette étape que traverse l’Algérie pour débattre des idées, de les concrétiser et non pas de détourner le mouvement en cours de ses objectifs », a encore martelé le même avocat.

Meriem Kaci.