John Kerry, le secrétaire d’Etat américain
L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a adressé une lettre au secrétaire d’Etat américain, John Kerry, dans laquelle elle a exprimé son inquiétude et ses préoccupations sur la situation de la liberté de l’information au Maroc.
«La situation de la liberté de l’information au Maroc, 136e» sur 179 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de 2013, suscite un certain nombre d’inquiétudes et nécessite que les autorités prennent des mesures concrètes pour améliorer le respect du droit d’informer et d’être informé», a écrit le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, dans sa lettre.
L’affaire Ali Anouzla, le directeur de la version arabophone du site d’information «Lakome», arrêté le 17 septembre 2013 à Rabat pour avoir publié un lien vers un article du quotidien espagnol El Pais qui renvoyait lui-même vers une vidéo attribuée au groupe Al Qaîda au Maghreb islamique, a été cité par RSF comme exemple, car les pratiques inquiétantes utilisées à son encontre «constituent une menace grave pour l’ensemble de la presse indépendante au Maroc».
A cet égard, il a été rappelé que Ali Anouzla a été libéré le 25 octobre après avoir passé plus de cinq semaines en détention préventive mais qu’il restait inculpé, entre autres, d’assistance matérielle et apologie de crimes terroristes, et encourt 10 à 30 ans de réclusion criminelle.
RSF a également rappelé que la prochaine audience du journaliste devant le juge d’instruction est prévue pour le 23 décembre prochain, déplorant le fait que les versions arabophone et francophone du site Lakome soient toujours bloquées depuis le 17 octobre, ainsi que le site reflets.info.
A cet égard, l’organisation a considéré cette procédure judiciaire et cette censure, fondées sur une décision politique et arbitraire comme étant des atteintes graves au droit à la liberté d’information.
Par ailleurs, l’organisation a souligné la nécessité de réformes juridiques permettant de garantir de manière pleine et entière le principe même de la liberté d’information, estimant que les promesses de réformes des autorités marocaines, annoncées depuis le référendum constitutionnel de 2011, tardent à se concrétiser.
Par la même occasion, RSF a rappelé l’urgence de dépénaliser les délits de presse, aussi bien dans le Code de la presse que dans le Code pénal marocains, sans pour autant que cela ne se traduise par une augmentation du montant des amendes qui doivent rester proportionnées.
«La loi doit définir de manière claire et précise les délits, notamment pour ce qui est des insultes et des graves insultes », qui sont des notions éminemment subjectives, laissant une place importante à l’arbitraire, de la part, notamment des magistrats, martèle RSF pour qui le principe de primauté de la loi spéciale sur la loi générale doit être réaffirmé afin de s’assurer qu’aucune disposition du Code pénal ne soit appliquée quand il s’agit d’un délit de presse.
L’organisation a aussi plaidé pour la réforme de l’institution judiciaire marocaine afin de garantir une réelle indépendance des juges, et pour la suppression dans les textes et dans la pratique des «lignes rouges» que sont la monarchie, l’Islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour «délit de blasphème».
En outre, RSF a souligné la nécessité de la mise en place d’un mécanisme indépendant et transparent pour l’attribution des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers travaillant pour des médias nationaux ou étrangers, relevant que leur octroi ou retrait ne doit pas être laissé à l’arbitraire d’une décision politique.