SITEV : La 20e édition sur fond de crise

SITEV : La 20e édition sur fond de crise

Le Salon international du tourisme et des voyages (Sitev) n’est plus ce qu’il était. Non seulement il n’est pas organisé à la période où les agences de voyage en ont le plus besoin, à savoir à la veille de la saison estivale et à l’approche de la saison saharienne, mais en plus, le nombre de participants a sensiblement baissé.

Par Fazil Asmar et Bouzid Chalabi

A la 20e édition de cet événement, qui se tient depuis hier au Palais de la culture, on remarquera l’absence des agences de voyage nationales et étrangères d’envergure, qui faisaient la joie des touristes nationaux. Il faut dire que depuis le début de cette année, les temps sont durs pour ces agences. Rien que durant la saison estivale, elles ont perdu plus de 70% de leur chiffre d’affaires et se débattent aujourd’hui pour rattraper les pertes en se focalisant sur les fêtes de fin d’année.

Dans l’espace consacré au tourisme saharien, toutefois, Djanet, l’une des destinations touristiques phares des fêtes de fin d’année, n’est pas présente. La demande, pourtant, sur cette destination, est plus importante que celle de Tamanrasset, dont les agences de voyage sont présentes en force alors que l’affluence sur cette région est très réduite. Depuis 2010, en effet, confient les agences de voyage dans cette région, Tamanrasset n’a pas enregistré la visite de touristes étrangers, ou très peu. Dans les années 2008, 2009, le nombre des touristes étrangers atteignait les 35 000/an. «A partir de 2010, avec les événements et l’insécurité au niveau des pays du Sahel et les printemps arabes, le nombre des touristes a considérablement diminué. Surtout après la fermeture de six sites touristiques à Tam, le Tassili d’Ahaggar notamment. Aujourd’hui, seuls les touristes locaux ont accès à ces sites», font-elles savoir. Ces dernières ne travaillent que durant la période du réveillon et seulement avec les touristes locaux. «Nous ne travaillons qu’une semaine par an alors qu’auparavant, nous travaillions de l’automne au printemps. En matière de tourisme, on bricole. Cette situation a entraîné la mise au chômage d’un nombre important d’employés dans le tourisme et la fermeture d’agences de voyage», révèlent-elles, déplorant que les pouvoirs publics restent sourds à leurs doléances. Du côté des pouvoirs publics, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Abdelkader Benmessaoud, assure que, de ce salon, émergeront de nouvelles idées pour la concrétisation des objectifs du secteur à l’horizon 2030, à savoir, la réalisation de 300 000 lits et la visite de 15 millions de touristes étrangers. «La 20e édition du Sitev est celle de l’excellence. Car elle englobe une centaine d’opérateurs, dans l’hôtellerie, les agences de voyage et les start-up, qui sont versés dans l’excellence», a-t-il affirmé, hier, dans un point de presse, en marge de l’inauguration officielle, en présence de membres de gouvernement, de cette édition au Palais de la culture. Dans le secteur de l’hôtellerie, a-t-il expliqué, il s’agit des opérateurs qui ont enregistré des taux de remplissage importants et qui ont fait des efforts en matière de qualité et de services. Quant aux start-up, cette édition regroupe celles qui ont donné une autre image de l’Algérie, contribuant à attirer des touristes étrangers et nationaux. Pour ce qui est des agences de voyage, celles qui sont présentes à cette édition, gratuitement, sont uniquement celles qui ont honoré leurs engagements dans le réceptif. A ce propos, le ministre a indiqué qu’en matière de visas, des facilitations sont octroyées en 72 heures au maximum pour les touristes étrangers inscrits dans des groupes des agences de voyage nationales. Seulement, selon les agences de voyage de Tamanrasset, les demandes de visa des touristes qui veulent visiter cette région ne sont traitées qu’au bout de deux mois, avec refus dans la plupart des cas.

Baisse de la clientèle : les opérateurs inquiets

Les acteurs de la chaîne touristique en Algérie considèrent que 2019 est une année blanche, à l’exception du mois d’août, où il a été enregistré un petit regain d’activité. Pour preuve, le faible chiffre d’affaires qu’ils ont réalisé jusqu’ici, selon les opérateurs du secteur rencontrés. Nos interlocuteurs rendent responsable la nette régression de leurs activités à la conjoncture que traverse le pays. Certains nous ont précisé à ce sujet que la fréquentation de leurs hôtels a baissé de 50%. Du côté des patrons d’agences de voyages, le manque à gagner se situe entre 30 et 40 %. « N’était la saison estivale durant laquelle nous avons pu reprendre quelque peu du service, le bilan comptable aurait été des plus négatifs », nous ont précisé à l’unanimité nos interlocuteurs. Toutefois, ils sont nombreux à espérer un regain d’activités lors de la période des vacances de fin d’année 2019. C’est du moins le souhait des agences de voyages habituées à organiser des séjours dans le Grand-Sud pendant cette période. En clair,« nous souhaitons capter un nombre intéressant de clients ce qui pourrait nous sortir de la disette », nous a souligné un opérateur du Nord, spécialisé dans les excursions vers le Sud, Touat, Gourara, Tassili et Hoggar.

En ce qui concerne le futur proche, nos interlocuteurs espèrent que la situation qui prévaut aujourd’hui s’améliore pour qu’ils puissent reprendre du service. « Ce dont nous avons grandement besoin », nous ont-ils avoué. Cependant, ils redoutent la prochaine saison. En effet, ces derniers sont très inquiets par « l’absence de visibilité dans leur secteur d’activité », lâchent-ils. Il faut dire que le pessimisme qu’affichent les opérateurs est aussi dû, selon le secrétaire général de la Fédération nationale des agences de tourisme et de voyages (Fnat), Nadjah Boudjelloua, rencontré à son stand, à l’absence d’un cadre juridique clair, celui en vigueur est devenu obsolète. Et d’expliquer que ce secteur a grand besoin de travailler sur des bases claires. « Nous comptons près de 3 000 agences mais combien, en réalité, sont professionnelles ? Tout au plus 50% », nous a-t-il révélé. Interrogé par nos soins, ce dernier n’a pas mâché ses mots. « On continue d’organiser le Sitev sans pour autant procéder à une évaluation des éditions précédentes. C’est regrettable, car une évaluation de ce salon peut mener à son organisation par les véritables professionnels.

Ce qui permettrait d’élaborer une brochure qui regroupe une palette de produits touristiques. Un outil d’une extrême importance car il peut rendre la destination Algérie plus attractive et surtout développer le tourisme local. En somme, une rampe de lancement pour le secteur qui, jusqu’ici, n’arrive pas à décoller. » A noter enfin que la participation au Sitev 2019 a connu un net recul) comme en témoigne l’absence de nombreux opérateurs et non des moindres.